LE DOSSIER VALMY (Thriller) : chapitre 20

Au début de l’automne 2006, la société est sauvée grâce au contrat avec les allemands. Nous travaillons comme des dingues pour réussir notre challenge mais en ce qui me concerne, chaque journée terminée m’en offre une deuxième pour suivre les dossiers judiciaires. J’ai eu cette naïveté de croire que malgré quelques faux pas, mes adversaires ont raté leur objectif et vont donc lâcher l’affaire. C’est bien le contraire qui se produit.

Il y a d’abord un courrier de Kojak au commissaire aux comptes à la mi-septembre. Quatre pages d’insanités sur ma gestion. Il suspecte des détournements de fond. Une escroquerie à la TVA. Et d’ailleurs, il en aura les preuves prochainement... Je ne comprends pas bien cette dernière phrase. Quelles preuves?

Ce premier courrier nous fait plutôt sourire tant il est idiot. Nous ne comprenons pas son utilité sur le coup mais nous n’allons pas tarder à comprendre que l’étau judiciaire va se resserrer. Implacablement. Le rouleau compresseur judiciaire a démarré dans notre dos.

En septembre, il faut gérer les prud’hommes des deux chimistes qui ont trahi et que l’on a viré en juin. Mon avocat parisien me recommande de prendre un avocat local. La Chambre de Commerce nous recommande la même chose et nous propose un nom. Très influent soit disant.

Le type est en effet un morceau. Chemise rayée, bretelles et havane au bec, il est le seul associé de son cabinet qui comporte une vingtaine de collaborateurs. Forte personnalité donc. Et d’entrée de jeu, il va me parler comme on parle à un gamin. En me prenant de très haut. Les prud’hommes, on va en prendre une. L’objectif, c’est de minimiser la casse. Je n’apprécie pas cet homme mais ce serait selon mes contacts, le meilleur sur la place. Donc... j’écrase.

Fin septembre, alors que je communique avec l’avocat canadien pour préparer notre défense au Québec, les huissiers débarquent à nouveau en France. Trop fort! Nos adversaires ont obtenu la saisie conservatoire des actions de la société auprès d’un juge de l’exécution d’Amiens au prétexte que le procès canadien est accablant et gagné d’avance et que bien évidemment ils redoutent que le voyou ne revende la boite. Le voyou, c’est donc moi.

C’est complètement débile. Mais comme les allemands veulent travailler avec nous sous contrat, la saisie des actions ne nous gêne pas. Avec du recul, si j’ai fait une erreur majeure dans la gestion de mes affaires, c’est bien celle-là! Il fallait faire appel mais dans le contexte de travail avec les allemands, j’ai négligé cet aspect. La procédure au Québec, le courrier de Kojak et la saisie conservatoire des actions ne sont que les maillons nécessaires aux prochaines procédures. Des anti-chambres insidieuses que nous n’avons pas compris.

Mi-octobre, en pleine euphorie technique avec les allemands, l’avocat d’Amiens m’appelle. Son bon ami le greffier du Tribunal de Commerce l’a informé qu’il y avait eu un jugement nous concernant. Nos adversaires ont en effet demandé au Tribunal de Commerce de prendre des mesures conservatoires et notamment me retirer toute possibilité de gestion de mon entreprise et demander la mise sous tutelle avec un mandataire ad hoc.

Le président du Tribunal de Commerce a trouvé ça un peu gros malgré les pièces versées au débat et a déclaré irrecevable cette procédure puisque nous ne pouvions pas nous défendre. Déboutant nos adversaires, il les invite à refaire la même procédure en nous convoquant. Nous commençons à comprendre où ils veulent en venir. L’objectif est de me déposséder de tout et d’empêcher tout nouveau contrat et de pouvoir surveiller mes faits et gestes. Et d’ailleurs, ils relancent la procédure illico. Nous sommes convoqués à la mi-novembre.

Tant que le contrat allemand fonctionne, je n’ai aucune inquiétude sur l’issue des procédures. D’ailleurs dans le volet canadien, nous avons finalisé une réponse avec l’avocat de Montréal qui démonte un à un les arguments fallacieux d’Alex. Avec tous les e-mails que nous avons échangé depuis 2004, il m’est assez facile de démonter ses arguments. Il jubile. Chaque pièce est pour lui un petit caviar. Et nous profitons de la réponse à faire pour réclamer les 4,5 millions de dollars qu’Alex a oublié de nous régler.

J’ai fait venir mon expert comptable qui est un notable à Amiens. Il audite l’entreprise. Il n’y a bien entendu aucun détournement d’argent ni même d’actif. Il me fournit le certificat et indique que la société se porte bien. A l’audience d’Amiens, au Tribunal de Commerce, je rencontre pour la première fois l’avocat français d’Alex. Je sens qu’il est intelligent, brillant et plein de relations. La rosette sur sa veste ne fait que confirmer tout cela. Lors de cette rencontre, je ne perçois pas que le chef d’orchestre des 17 procès en cours ou à venir, c’est lui et qu’il a tout préparé depuis un an. Nos regards se croisent. Je vois dans ses yeux que je suis un ovni. Je fais jeune, je suis arrogant, je ne me démonte pas. Mon avocat n’est pas venu en personne. Il a envoyé un collaborateur qui m’assure que tout va bien, son patron suit tout de près.

On a souvent critiqué les Tribunaux de Commerce. En ce qui me concerne, cette juridiction sera exemplaire. Tout le temps. Et mes adversaires prennent une bonne claque! Non seulement, ils sont déboutés mais sont condamnés pour procédure abusive à me payer 2000 euros. Qu’ils ne paieront jamais bien entendu... Sur le plan pénal, j’ai reçu un courrier du Tribunal de Grande Instance d’Amiens. La juge d’instruction m’a convoqué en février pour m’entendre. C’est à la fois une bonne nouvelle et tout cela me semble long... Alors qu’il faudrait déjà lancer des perquisitions etc... Mais bon, c’est une bonne nouvelle.

Noël approche... Si l’on devait résumer la société VALMY, ce sont deux ingénieurs et une secrétaire, deux avocats en France, un au Québec et encore un au Luxembourg. Et un avocat coûte plus cher qu’un ingénieur. Il me faut renégocier avec les allemands. C’est la priorité absolue.