LE DOSSIER VALMY (Thriller) : Chapitre 2

in #roman6 years ago (edited)


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Chapitre2 : Briser la glace


La première heure d'interrogatoire est consacrée à mon identité. Quand et où suis-je né et quelles études? Je réponds avec un peu de nervosité et rapidement, le niveau légèrement débile des questions me ramène une certaine sérénité. A l’oral, je suis plutôt à l’aise. Leur avocat le sait d’ailleurs, ce con d’Alex l’a prévenu et il s’en méfie un peu. On s’observe, on se jauge et la première heure ne va servir qu’à briser la glace.

La première heure n’a surtout aucun intérêt. Qu’est-ce que cela change de savoir mon parcours? J’ai 35 ans et tout s’est déroulé ces trois dernières années. Hé bien non! Leur avocat veut tout savoir et commence par l’accouchement, à croire qu’un élément majeur aurait pu se jouer à cette période. Je m’incline et m’exécute. Bien évidemment à chaque question sans intérêt, je me raidis et je vois l’oeil réprobateur et assassin de mon propre conseil à mon égard. On répond, point barre. Je n’ai pas le choix de la question ni de sa pertinence puisque c’est le principe. Ils ont le droit de me poser n’importe quelle question.

La mort dans l’âme, je m’exécute pour ainsi dire. Je suis donc né en 1972, un bac scientifique C en poche en 90, maths sup, math spé puis une grande école d’ingénieur. Au passage, j’ai glané une maîtrise de maths, un deug de droit et de sciences économiques. Puisque leur avocat veut des détails, je lui en donne. Tout le monde se détend. Et d’ailleurs cette première détente ne va pas lui être favorable.

  • Diriez-vous Monsieur Le Roy que vous êtes un «chimiste»?

  • Non, ce n’est pas mon titre mais de par mon parcours, je dispose d’un cursus scientifique avec un gros bagage en chimie, de sorte que je suis capable d’appréhender des réactions et comprendre le monde de la chimie. Comme tout ingénieur polytechnique.

  • ah...

Je vois bien que cela ne l’arrange pas. Un instant, je me suis demandé si il n’espérait pas que je lui dise que je n’y connaissais rien et que j’étais donc un parfait escroc. En moi même, je souris car ce n’est que le début « mon gamin ».

J’enchaîne :

  • Alors que Mathieu n’a pas ces compétences... bac+2 seulement.

Mon avocat qui jusque là s’était mis dans les meilleures dispositions pour somnoler bondit sur sa chaise et me hurle dessus:

  • répondez aux questions et seulement aux questions!

La violence est telle qu’il ne s’agit pas d’un conseil mais d’un ordre. C’est décidément hostile dans le coin. Dans ce genre de cas, l’idée de me laisser mener à la baguette produit chez moi une poussée d’effronterie et pour le coup leur avocat va me tendre une perche qui pourrait me permettre d’enfoncer le clou malgré les vociférations du mien:

  • pourquoi dites vous ça?

Mon avocat braille à nouveau:

  • OBJECTION!

Et voilà notre première objection actée. Pour rien. Il va me falloir admettre aussi que mon avocat est mauvais et qu’il ferait mieux de me laisser faire et de parler de Mathieu.

Mathieu, c’est le fils d’Alex. Pour comprendre, il faut revenir quelque peu en arrière. Petits, on habitait dans la même ville et au collège, on était devenu ami. Nos mamans avaient sympathisé entre mères au foyer qui n’ont rien d’autre à faire que de se préoccuper des conseils de classe au sein des associations de parents d’élèves. A 14 ans, je suis même parti en vacances chez eux. Dans leur famille. Dans le sud de la France. C’est d’ailleurs là que j’ai rencontré le grand père. Un personnage.

Tout ce petit monde en avait peur et «on» m’avait recommandé de faire dans la discrétion tout au long du voyage en bagnole. Attitude inconnue pour moi et de fait, cela ne va pas se passer ainsi. Le patriarche, à la tête de sa société depuis 50 ans est presque milliardaire. Notre rencontre ne manque pas de sel. Je me souviens de son arrivée dans la propriété du côté d’Arles. Je n’avais jamais vu une propriété de cette taille et alors que je me promenais dans le parc, la rolls arrive à toute blinde. Dans la dernière épingle, l’anglaise s’immobilise après un dérapage pour faire face à un garage automatique qui s’ouvre sans discuter. Sol avec moquette! Et même une Ferrari F40… « Dieu » sort du véhicule et je le fixe du haut de mes 14 ans.

  • vous n’êtes pas un peu fou de faire ça! Vous allez la planter votre bagnole!

Cela m’avait échappé. D’instinct. Cela tombe bien. De l’instinct, le bonhomme n’en manquait pas. Affublé de sa famille de couards qui attendaient juste qu’il casse sa pipe, il me dévisage et me balance:

  • t’es qui toi?

Le bonhomme s’approche. Il n’est pas grand mais il est impressionnant en effet. Et me balance à nouveau avant que je réalise que je viens de transgresser toutes les consignes inculquées pendant 800km:

  • tu sais plonger?
  • Oui!
  • Alors on se retrouve à la piscine!

De cette époque, je ne garde que le souvenir de cet homme craint et respecté en France et surtout dans sa famille qui avait apprécié mon effronterie et ma naïveté. J’ai souvenirs de plusieurs discussions dans la cuisine avec ce monsieur le matin puisque nous sommes les deux seuls à nous lever tôt. Je garde aussi le souvenir de cette famille terrorisée à l’idée d’affronter le boss et qui attendait patiemment son tour pour se partager l’héritage. Un homme qui faute d’intelligence au sein de sa progéniture allait leur laisser des centaines de millions d’euros pour seuls arme et salut.

Et puis avec l’âge, Mathieu et moi nous sommes perdus de vue pendant quinze ans. En mai 2004, me prend l’idée d’appeler chez ses parents pour avoir des nouvelles de mon copain. Le numéro n’a pas changé et c’est la maman à l’accent méridional si chatoyant qui décroche.

  • Oh Vincent! Mais c’est incroyable! Mathieu est justement là. Il n’a pas le moral. Sa société vient de déposer le bilan... Il est avec son père. Quitte pas je te le passe, ça va lui faire plaisir.

Et c’est comme ça que j’ai revu Mathieu à Paris. On a déjeuné dans un excellent restaurant en terrasse, à côté des stars de TF1. Une cantine pour gens fortunés. Il me raconte brièvement son histoire, faite de rêves et d’idées chimériques dans laquelle son père a englouti deux millions d’euros. En pure perte bien évidemment. Mathieu n’a pas changé. C’est tout sauf un crack de l’industrie mais il a la chance d’être bien né. Deux millions à son niveau, c’est une goutte d’eau.

Je lui parle de moi. Un autre monde. Le dossier Valmy. D’entrée de jeu, je lui explique l’affaire. J’ai créé une société avec des chimistes qui ont mis au point un produit révolutionnaire : un polyuréthane qui ne brûle pas. Plus que des grands discours, je sors un échantillon et briquet en main, je flambe l’échantillon. Rien. Pas de flammes. Pas de fumées. Et un marché d’un milliard et demi à la clé rien que pour l’Europe. Mathieu qui a fait un BTS dans la construction comprend tout de suite l’enjeu.

J’enchaîne sur les nouvelles normes européennes, l’absence de concurrence etc... et que j’ai récemment recapitalisé la boîte après un moment difficile. Il faut dire que la mise au point n’a pas été simple mais les produits sont là. J’ai aussi de nouveaux actionnaires, de l’argent frais et un plan de développement.

Ses yeux brillent. Je l’ai vu. Et il me dit :

  • je pars au Canada pour les affaires familiales. Mais si je peux te filer un coup de main, n’hésite pas. Envoie moi tous les documents nécessaires. Je lirai ça dans l’avion.

Ce que je fais sitôt rentré. Nous sommes en mai 2004. Il y a tout juste trois ans.

Leur avocat ignore tout de ces étapes. Il continue son interrogatoire avec des questions futiles et le débat de la mi-journée se termine sur la notion de «diplôme d’état», un qualificatif qui au Québec semble impressionner.

Au fond, je suis très à l’aise, je connais mon dossier par coeur. Chaque pièce est comme un globule dans mon sang, je la vis, je la respire, et il suffit de me pousser très peu pour qu’elles sortent de façon pertinentes et non des classeurs noirs. Je peux quasiment tout justifier et j’ai mon powerbook pour aller piocher dans les mails toutes les preuves en appui à mes réponses.

A midi, les deux avocats demandent du « off ». Le déjeuner est nécessaire. D’un point de vue stratégique comme alimentaire. Rendez-vous à 14h00 donc.


A SUIVRE!

Table des matières:

Introductionchapitre 1


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Sort:  

Tu t'implique intelligemment dans un polar @vincentleroy: tu fais, en plein interrogatoire, une analepse pour nous raconter ta rencontre avec Mathieu trois ans avant pour revenir, vers la fin du récit, à l'interrogatoire. Bravo encore une fois cher ami en attendant le prochaine épisode.

C'est tout le principe d'avoir utilisé l'interrogatoire comme fil conducteur de l'histoire. Et puis dans un certain sens, il y a une logique, c'était un peu un des derniers actes de cette sordide histoire. Ah mais vous n'êtes pas au bout de vos surprises @mimbel

super début de scénario, j'attend la suite ;)

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Super ces post, c'est très intéressant et bien écrit. Je continue demain, j'ai hâte !

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