LE DOSSIER VALMY (Thriller) : chapitre 6

in #roman6 years ago


valmy.jpg


Chapitre 6 • Il n’y a pas de feu sans fumée


J’ai bien compris la règle du jeu de cet interrogatoire. J’ai troqué mon costard cravate pour un jean troué et un tee-shirt blanc. J’ai oublié de me raser aussi. Le parfait voyou. Cette image convient mieux psychologiquement à leur avocat. Cela justifie son travail. Cela ne changera pourtant rien à mes réponses et il va tomber dans le panneau une fois de plus.

Pour comprendre l’échange, il faut revenir un peu en arrière. Juin 2005, la société va bien et CPCU nous passe une première commande. Il s’agit de descendre à 15 mètres sous terre, du côté de la place d’Italie en plein Paris et injecter le produit sur des tuyaux. Tout est opérationnel. Je suis très fort dans ce genre d’exploit. La logistique est peaufinée jusque dans les moindres détails.

J’ai loué un camion à Amiens, mis la machine et les bidons de produits chimiques que nous avons préparé dedans. Vers 15h00 je prends la route direction la Région parisienne avec le chimiste. Nous passons la nuit à la Celle Saint-Cloud chez moi ou plutôt chez Julie.

Le lendemain matin, nous sommes sur site à 7h00. Le matériel est débarqué. La rue est bloquée. Notre interlocuteur chez CPCU me montre la trappe et m’explique les consignes. En bas, il fait 60 degrés, pas plus de 15 minutes. Ok, j’ai compris et je m’équipe. Blouse tyvek intégrale, casque, lunettes et gants, je descends avec les tuyaux. Le chimiste est resté en surface pour activer la machine et mettre en route le groupe électrogène. Nous communiquons par talkie walkie.

Arrivé au fond du trou, il faut s’habituer à la pénombre. Je déroule mes tuyaux et je vérifie mes vannes et manomètres. Le circuit d’acide sulfurique indique 60 bars. J’ai pas intérêt à le prendre dans la gueule. En haut, un bidon de 200 litres de flotte m’attend au cas où. Lentement, j’ouvre le circuit résine puis l’acide. La mousse commence à se former et j’entends là haut les pistons de la pompe s’activer. La chaleur m’étouffe. Les vapeurs de formol me piquent le nez.

Le type de CPCU avait raison. Au bout de quinze minutes, je remonte. J’ai dû perdre dix kilos de flotte tellement je sue comme une bête. Après cinq descentes au fond, le chantier est fini. C’est un succès. Tous les huiles de CPCU sont venues pour l’occasion et même les directeurs s’équipent pour aller voir le miracle au fond du puit.

Mathieu nous a rejoint. Et tout le monde file déjeuner en parlant de perspectives. Que du bonheur... CPCU a un gros chantier pour nous en septembre. Rentré au bureau et malgré mes 4 salariés, c’est moi qui range et rince le bordel. Eux sont déjà en famille.

J’appelle Denis. Nous sommes comme d’habitude sur la même longueur d’onde. Amiens coûte cher, chaque chimiste coûte dix mille euros par mois avec les charges et il faut trouver 80000 euros tous les mois. Si pour le moment, nous vivons sur le trésor de guerre canadien, cela ne sera pas éternel... CPCU, c’est de l’or en barre. Du fric à gogo surtout que le contrat canadien n’avance pas. Bien joué.

J’ai édité la facture de 20,000 euros. CPCU la règle sans discuter. Mon contact chez eux m’envoie les papiers pour être agréé dans le plan de sécurité. Et je pars en vacances avec Julie et les enfants, plein d’arrogance et d’espoir. Tout va bien dans mes affaires.

En septembre, CPCU confirme sa grosse commande. 80,000 euros en une journée. Place de la Madeleine, à ciel ouvert. L’injection se déroule comme prévu, sans accroc. Tout CPCU est sur le trottoir, appuyé sur les façades de Fauchon, pour regarder la merveille. Notre partenaire sous-traitant a fait ce qu’il fallait. Il jubile. Il prend la pose sur la mousse une pelle à la main. Clic clac photo souvenir. Photo promo.

CPCU nous occupe tant que nous en oublions notre ami Alex qui n’avance pas d’un poil dans son contrat. Les priorités sont ailleurs. Toute mon énergie à ce moment là est tournée vers le nouveau produit. Et ce que cela peut générer de cash rapidement. Et pourtant tel le lait dans la casserole, j’aurai dû surveiller mes arrières.

De nouveau au bureau, j’édite la facture. Deux autres commandes crépitent sur le fax. Et je rentre d’Amiens le coeur léger. Jusque là tout va bien, tout va bien. Ma petite société vaut beaucoup plus que deux millions. J’ai beau avoir investi 300,000 euros et refuser de me payer pendant quatre ans, là, je le sens bien, la culbute c’est pour demain.

Le lendemain justement, 7h00 et je suis déjà sur la route vers Amiens. Le téléphone sonne. Quoi? Qui vient me déranger à cette heure là? Je regarde le numéro sur le GSM. C’est le n°2 de CPCU. Ah... Mauvais pressentiment.

Je décroche et le n°2 se met à brailler:

  • faut allez à la Madeleine, il y a eu un incendie cette nuit, les pompiers sont intervenus... On a viré la mousse. On vous attend à onze heures sur place.

Fin de la conversation. La descente aux enfers commence. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Et c’est bien là dessus que leur avocat m’attend. Il espère me coincer sur cette affaire. Je continue d’expliquer.

En réalité, ce matin là, c’est un putain de trafic parisien. Je n’ai qu’une envie, c’est d’y être de suite. Tout le monde est sur place. Profil bas, je regarde le massacre. Les pompiers ont tout enlevé et il y a des mètres cubes de mousse partout entre les palissades de chantier. Je fais prélever les échantillons qui auraient cramé vers une heure du matin. Ce n’est pas contestable. Ca a brûlé à deux endroits. Pourquoi?

Revenu à Amiens, l’ambiance est plombée dans la salle de réunion. Le chimiste n’en mène pas large. Et finit par nous dire: c’est du punking... C’est quoi ça?

  • autocombustion du produit...

Hein? Il faut qu’on m’explique. Retour au labo industriel, on refait les tests. Le produit résiste sans problème aux tests connus. Tout cela reste inexplicable. Incident technique ou criminel? Tout est possible. Il n’y a aucune raison logique.

En regardant bien de près les échantillons récupérés, nous observons un mastic fondu... Il est vrai qu’à chaque soudure, il y a une couche d’un mastic dont nous ignorons tout. Co-réaction entre les deux produits sous l’effet de la température? Tout est possible.

Paradoxalement, CPCU est aussi emmerdée que nous. Ils sont prêts à refaire d’autres essais dans un site sans danger. Si l’essai est concluant, nous serons payés. J’organise avec eux le test sur un terrain d’Alsthom désaffecté et squatté par tous les camés de Genneviliers. Finies les vitrines dorées de la Madeleine, là on opère sur un caniveau avec de la boue dont émerge les seringues.

On a truffé la mousse de sondes pour relever les températures partout et je passe deux fois par jour pour relever les données. Matin et soir. Je me souviens que je passais des heures dans la bagnole pour accéder au site. Il faut dire que nous n’avons pas choisi ni le bon moment ni le lieu. Mon test se déroule à 200 mètres du local EDF où un jeune vient de cramer pour échapper à la Police.

Les émeutes font que toutes les rues sont bloquées. La France est à feu et à sang. Perso, j’ai d’autres chats à fouetter. Il faut que ce putain de test fonctionne. Et j’en bave. Les chimistes ne disent plus trop rien. Ils bossent sur des améliorations et l’ambiance à Amiens s’est fortement dégradée.

Dans le même temps, les relations avec Alex se dégradent aussi. Il veut et exige toutes les extensions! A cette époque, cet échec ne l’avait pas refroidi. Bien au contraire, il veut pouvoir revendre les technologies à ses clients canadiens. A commencer par Bombardier.

Le décor est planté. La guerre va bientôt commencer. Il ne manque plus que Kojak dans le paysage.


A SUIVRE!

Table des matières:

Introductionchapitre 1chapitre 2chapitre 3chapitre 4chapitre 5


ligne.jpg

You want to follow my work? Welcome aboard!

ligne.jpg

bandeau_steemit.jpg

Sort:  

Qui a causé l'incendie et que fait Bombardier avec vos fameux produit ?! Passionnant récit @vincentleroy et bon retour .

pour l'incendie, il faut lire la suite :) Bombardier, voulait remplacer ses panneaux de trains en polyuréthane par notre mousse car quasiment incombustible (pour la notre) :)

Coin Marketplace

STEEM 0.18
TRX 0.13
JST 0.029
BTC 56855.37
ETH 2976.87
USDT 1.00
SBD 2.39