LE DOSSIER VALMY (Thriller) : Chapitre 1

in #roman6 years ago (edited)



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Chapitre 1 : Bienvenue au Québec


Fin octobre 2007. Le lieu serait plutôt chaleureux. Il s’agit d’un cabinet d’avocat en plein centre de Montréal, fardé de ces rouges prononcés et de lumière jaunes cosy, avec un mobilier de bureau confortable mais sans excès. Aucune fenêtre comme la plupart de ces locaux de la vieille ville. Tout en lumière artificielle.

Au fond du couloir, il y a ce bocal. C’est une pièce borgne qui sert aux interrogatoires avec une grande table, des chaises confortables et un plateau service comprenant café, thé et bouteilles d’eau. En bout de table, trône la greffière. Elle saisira en sténo la totalité des entretiens qui sont également enregistrés sur un petit recorder numérique. Mon avocat la salue et je l’imite. Nos adversaires ne sont pas encore dans la place.

C’est la première fois que je vais découvrir leur avocat, un grand sec qui a fait toute sa carrière dans le plus gros cabinet de Montréal jusqu’à en devenir associé et même administrateur. Son arrivée est imposante. Un trolley comportant un mètre de classeurs, une stagiaire et plus en retrait leur client.

Par nature, j’ai toujours avancé au devant de mes adversaires. Certains se seraient mis en retrait. Moi, ma peur s’extériorise avec cette poignée de main tendue. Leur avocat, légèrement surpris de mon arrogance me rend la monnaie de la pièce par cette question narquoise :

  • Votre voyage s’est bien passé Mr Le Roy?

  • Excellent Maître...

Il a bien raison de s’inquiéter de la qualité du voyage, c’est tout de même son client qui paye y compris mon hébergement. Tout ça pour m’interroger et tenter de me faire avouer. Mais avouer quoi? Toute la théorie de mes adversaires depuis l’échec du putsch est de convaincre la justice que je suis un escroc et tenter de rafler légalement ma société. Le problème, c’est que c’est exactement l’inverse et je n’ai rien à cacher en ce qui me concerne.

La greffière nous ramène à la réalité du jour et coupe court à ces premières politesses parfaitement malhonnêtes. Le silence revenu, elle nous débite une litanie procédurale qui ramène une neutralité très provisoire. En clair, elle ouvre les débats et je prête serment. Ce formalisme ne manque pas de me faire sourire. Mon côté latin se heurte à cette pudibonderie nord américaine et je me demande si un seul de ses interrogatoires a pu un jour permettre d’établir une vérité... Après tout, tu réponds ce que tu veux. Mais c’est ainsi dans le droit anglo saxon, il est possible de procéder à ses propres interrogatoires et de s’en servir le jour du procès. Ou non.

L’avocat de mon adversaire est invité à officier. Il est très calme et souriant, alors que sa stagiaire me fixe comme si j’étais un criminel, rejointe en cela par leur client qui s’excite sur son siège. Ce con n’en peut plus, il va enfin faire sa preuve et me renvoyer à la poussière. Ce con, c’est Alex. 68 ans à l’époque. Retraité, il gère une fortune familiale estimée à plus de 700 millions d’euros. Il a le meilleur avocat d’un gros cabinet de Montréal alors que je me contente d’un avocat indépendant et qui ne possède pas l’infrastructure des grands cabinets. Le mien n’est pas là pour me conseiller mais objecter au cas où une question ne serait pas pertinente ou dérangeante. Il peut s’objecter en tout temps. Les objections seront ensuite examinées par la Cour et dans le cas où la cour estimerait que je sois obligé de répondre, je serai obligé de revenir, à mes frais cette fois. Autant dire qu’il convient d’objecter pour de bonnes raisons. Et puis comme je n’ai de cesse de le répéter dans cette affaire à mes avocats : «nous n’avons rien à cacher», il ne devrait donc pas y avoir d’objections.

Les interrogatoires sont programmés sur 12 journées ce qui me semble surréaliste pour une telle affaire. Que va-t-on se raconter pendant 12 jours? L’affaire n’est certes pas simple mais on peut en faire le tour en une journée. La démarche officiellement procédurale n’est qu’une énième manœuvre de mes adversaires pour parvenir à leurs fins, m’épuiser, m’humilier et justifier le vol de ma société.

Car tel est l’enjeu depuis deux ans. Une sinistre histoire commerciale où certains de mes associés, salariés et ce con d’Alex ont tenté de me piquer les technologies pour les revendre et faire le jackpot à ma place. Etant donné leur pouvoir financier et toute l’armada des saloperies possibles, l’éviction devait se mener telle une guerre éclair et me laisser exsangue en quelques semaines. Deux ans plus tard, ils sont tout de même bien obligés d’admettre que le gamin est toujours là, tel un droopy répétant sans cesse «you know what?». Certes mes affaires sont au plus mal, mais ils sont pour leur part avec une main devant une main derrière; moins le million de dollar qu’ils ont déjà englouti chez leurs avocats pour financer le rouleau compresseur judiciaire qui devait conduire à ma reddition.

Pour l’heure, j’observe leur avocat, assis face à moi et qui s’organise, piochant sur le trolley ses dossiers les uns après les autres, non sans quelques messes basses à sa stagiaire dont l’arrogance me devient pénible. Face à lui, les classeurs de questions à me poser. Des milliers en tout. Face à elle, les fameuses pièces à conviction et qui vont agrémenter nos conversations. Reconnaitre tel ou tel document, l’expliquer, répondre à n’importe laquelle de ces milliers de questions est donc mon programme pour les deux prochaines semaines.

La veille, je suis donc arrivé de Paris par un vol Air France. En seconde. Terminée l’époque des voyages en business ou en première, Alex est tenu de payer pour les frais de mon interrogatoire mais il a tout réservé à minima. Lui aussi est venu de Paris. Mais il aura conservé la première classe, le standing, le meilleur hôtel de la Ville et une pute le premier soir. Une masseuse, excusez moi.

Sitôt arrivé, mon avocat m’a récupéré et m’a conduit à mon hôtel, une tour de 9 étages en plein vieux centre, froide à souhait et bien entendu non fumeur. Clés en main, j’ai pris possession de mes quartiers et jeté mon bagage sur le lit. J’ai du wifi. Demain je pourrai appeler Julie sur skype. Pour l’heure, il faut préparer l’interrogatoire qui démarre demain matin. Je suis redescendu rapidement et sous la houlette de mon avocat, nous sommes allés dîner un homard du pays sans saveur et nous avons préparé l’interrogatoire. Il connait bien l’histoire mais c’est un petit dans le milieu. Il a peur de tout et de son ombre. Je le laisse transpirer sa peur et j’écoute en bon élève docile en sirotant ma bière. De toutes manières, je n’ai pas les moyens de me payer un cador. Je vais devoir faire avec ou plutôt sans. Je sais que ce voyage sera le plus dur de ma vie. Loin des miens, immergé dans un milieu totalement hostile y compris dans mon propre camp, ces 15 jours vont m’achever. Je le sais. Je le sens.


A SUIVRE!

Table des matières:

Introduction


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J'espère bien que ce passionnant récit dure plus que 12 jours de l'interrogatoire. Tu est vraiment talentueux @vincentleroy , je te félicite

ah oui, cela va durer plus que 12 jours ahahaha

Un début bien accrocheur, je passe immédiatement à la suite. Merci Vincent!

Dire que des vols de projet professionnel c'est hyper courant , je passe a la suite ..

good work

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