LE DOSSIER VALMY (Thriller) : chapitre 13

Paris. 5h00 du mat, comme chaque jour où le soleil se lève, je saute dans la bagnole. Direction Amiens. Ce matin, je suis invité par la Chambre de Commerce pour une présentation des nouveaux programmes d’innovation. Le genre de pincefesses dont tu te passerais bien, surtout vues les circonstances. Mais la Région a tout fait pour nous accueillir, je leur dois bien un remerciement. Costume et cravate de rigueur.

J’y retrouve mon banquier qui me salue poliment. Les comptes vont bien. Le virement de l’Anvar est arrivé. Les comptes sont blindés. Il me demande comment vont les affaires. Sans être très précis, je l’informe que nous sommes confrontés à quelques soucis internes que je m’emploie à régler. Mon visage est rassurant. Pas la peine de stresser le banquier. Le patron de l’Anvar est là également. C’est lui qui a débloqué les sous. Je m’avance pour le saluer. La poignée de main est froide.

• Monsieur Le Roy, vous tombez bien, j’ai un problème avec vous. Hier, j’ai eu deux appels de vos associés. Il parait que cela fait des mois que vous ne payez plus vos salariés et que l’argent que l’on vous a versé pourrait déjà être au Luxembourg...

Il m’a coupé le souffle. D’abord, tous les salaires sont payés et les seuls mouvement d’argent entre les deux sociétés sont dans le sens Luxembourg vers la France. Le banquier à côté n’est plus seulement mondain. Il s’intéresse à la discussion. Et j’en profite pour répondre :

• l’argent n’a pas bougé, vous pouvez d’ailleurs demander à mon chargé de compte qui est justement là.

Le banquier opine du bonnet. Et j’enchaîne :

• nous avons en effet un léger conflit avec deux salariés mais leur salaire sont payés. Charges comprises.

Et pour faire bonne figure, j’ajoute :

• Vous savez je soustraite la totalité de ma comptabilité à Price WaterHouse & Coopers, y compris l’établissement des feuilles de paye. Vous pouvez appeler le directeur, vous devez le connaître, sur Amiens, c’est le plus gros Cabinet comptable. Il vous dira que tout est en règle.

Mes arguments ont beau être exacts, je sens bien que le bonhomme n’est que moyennement convaincu. Il m’informe qu’il va exercer une vigilance accrue et que l’on va différer les deux autres tranches. J’ai compris. Le fonctionnaire dans toute sa splendeur et qui a peur de son ombre. Et ce sont des gugusses de ce calibre qui sont censés redynamiser l’économie française. Ils ne connaissent rien à l’entreprise et à son monde et sont censés aider! Nous ne sommes pas rendus.

De retour au bureau, ma secrétaire m’informe que les chimistes ne viendront pas aujourd’hui. Dieu est malade et son porte parole a eu un problème avec sa voiture. Cela tombe bien, je n’ai pas envie de les croiser. Elle me dit aussi que le prestataire chargé de la maintenance des serveurs a essayé de me joindre trois fois depuis ce matin. Et en effet, j’ai aussi des appels en absence sur mon portable.

Olivier, c’est le prestataire informatique. C’est lui qui gère nos serveurs. Il est vrai que la semaine dernière, je lui avais demandé de jeter un oeil au serveur de mails puisqu’Alex se plaignait qu’on lui avait coupé son mail.

• Vincent, il n’y a aucun soucis avec les mails. Tout fonctionne nickel, par contre, il y a des bizarreries.
• Je vous écoute Olivier...
• voilà, depuis quelques jours, vos chimistes, mathieu et Alex ne se servent plus de leur boite mails. Elles sont vides!
• hein???
• Oui oui elles sont vides. Mais elles fonctionnent parfaitement. J’ai vérifié. Et il y a plus inquiétant.

Plus inquiétant? Je commence à me crisper sur ma chaise. Il m’explique que certaines données sensibles qui étaient sur le serveur protégé ont été copiées en masse hier sur le serveur même. Dans ma tête, Mathieu est fort en informatique mais il ne dispose pas du code administrateur. Moi même, je ne l’ai pas. Seul le prestataire l’a. Olivier m’explique qu’il a analysé les connections et que c’est le compte du graphiste qui a été utilisé.

Merdum! Je viens de comprendre. Il est vrai que le graphiste qui s’occupe du site internet a un compte étendu dont il ne se sert que pour les mises à jour et que l’on a jamais changé son mot de passe ni ses droits étendus. Mathieu le connait ce mot de passe.

Olivier poursuit :

• ce qui est fort, c’est qu’il a changé les droits du graphiste en le mettant en codification 5000.

• Olivier, c’est du charabia pour moi. Ca veut dire quoi?

• qu’il n’a laissé aucune trace de ses actions. Moi même j’ignorai cette propriété. Je sais juste qu’il a branché un disque dur externe qui s’appelle mathieudde. Après ce qu’il a copié, je ne peux pas le voir.

Si Olivier, le spécialiste français des serveurs apple en connait moins que Mathieu, je peux redouter le pire... Je lui demande de poursuivre son analyse et de m’en faire un rapport écrit. Ma secrétaire m’apporte le courrier du jour. Nous sommes convoqués au Tribunal des Prud’hommes pour chacun des deux chimistes. Les demandes en dommage et intérêts sont surréalistes. Ils réclament plus de 80,000 euros chacun. Et je sais trop bien qu’aux prud’hommes, il n’y a que 2 articles.

L’article premier dit que le salarié a toujours raison. Et l’article 2 précise que dans le cas contraire, il faut se référer à l’article 1.

C’est décidément une bonne journée. Il faut rester concentré et s’occuper des commandes. J’appelle les fournisseurs et notamment le producteur de résine pour tout envoyer chez mon partenaire en Pologne. Si CPCU est honoré, la boîte survivra à tout ça. Le chargé d’affaires de mon principal fournisseur décroche. Les civilités effectuées, je vais dans le vif du sujet:

• Jusque là, les chimistes étaient vos interlocuteur mais ils ne vont bientôt plus faire partie de l’entreprise. Je suis donc votre seul interlocuteur et j’ai une grosse commande.

• Je sais...

Comment ça il sait?

• Votre chimiste nous a appelé pour nous dire qu’il ne faisait plus partie de la boite et que nous avions intérêt à être vigilant car votre société n’a plus un rond. Et donc avant toute commande, il faudrait nous régler les factures en cours et pour la nouvelle, c’est paiement d’avance.

De toutes manières, je n’ai pas le choix. Je le sais. Je lui indique faire le nécessaire, donne les instructions à ma secrétaire, signe les chèques et je décide de lever le camp. Dans la voiture, je fais le point. Ils ont donc appelé tout le monde. Les financiers, les banquiers, les institutions, les clients et les fournisseurs. Je vais en baver.