Selayar est tout juste à la proue d’Aurora. A vraie dire cela fait quelques jours que je l’aperçois depuis mon mouillage précédent. La navigation n’est pas très longue et me fait atterrir à Pengaa, la mini-agglomération de l’île.

J’envoie la pioche devant le port au milieu des embarcations de pêcheurs venus vendre leur butin et y trouver un peu de repos après plusieurs jours passés en mer. Bien évidemment, les regards et les interrogations vis à vis du bateau d’à côté ne tardent pas à fuser. Les pêcheurs dévisageant mon voilier « moderne » qui plus est avec un seul marin à bord, et moi, tentant de comprendre leur vie à 4 ou 5 sur des embarcations aussi petites. De là à se retrouver tous sur le même bateau, il n’aura pas fallu plus d’une heure !

Je débarque à leur bord avec quelques friandises et de nombreuses interrogations. Sur le pont, quelques dizaines d’ailerons de requins sèchent au soleil. Comme tout le monde le sait, la pêche à l’aileron de requins est devenue une pratique mondiale. Je précise bien « pêche à l’aileron de requins » et non pas « pêche aux requins », car ce sont les ailerons de requins que le marché chinois achète à prix d’or. Un marché si luxuriant, qu’une vraie toile d’araignée commerciale a été tissée par ces derniers afin de pouvoir récupérer les ailerons depuis toute l’Asie, le fond de La Mélanésie et désormais jusqu’à Madagascar. Incroyable ! Aujourd’hui, même le pêcheur d’un village isolé de nos paraboles, est informé de ce marché, de ses tenants et ses aboutissants…

Le côté sordide de cette pêche est que les pêcheurs ne s’embarrassent en général pas de la viande du requin. Ils coupent les ailerons à la prise, et rejettent le requin vivant et sans aileron à l’eau. L’agonie est lente pour ce corps paralysé plongeant vers le fond incapable de se mouvoir, donc de respirer. Les images et reportages ont été nombreux ces dernières années et chacun de vous a certainement déjà eu l’occasion d’en visionner.

Alors évidemment, la vue de ces ailerons séchant sur le pont me refroidit un instant. J’entends déjà des « sales pêcheurs », « enfoirés de chinois », sortant des lèvres brillantes de pommade, de la plupart de nos écolo-activistes. Ceux-là mêmes qui convaincus du Bio, se rendent le plus souvent à leur magasin vert au volant d’un gros SUV, en oubliant que pour cultiver du Bio pour tout le monde il nous faudrait couper plus d’arbres. Ceux-là mêmes qui oublient que s’il n’avait pas fait les 4 gamins assis sur leur siège arrière tablettes à la main on n’en serait pas arrivé là. Ceux-là mêmes qui rangent leurs courses dans 3 congélateurs à 2000 Watt chacun. Ceux-là mêmes qui n’ont besoin que de 8l d’eau pour se brosser les dents et ne prennent que 3 douches de 200l par jour. Au fait, ces lèvres brillantes connaissent-elles la composition du stick ou du rouge à lèvres qui leur sont appliqués tous les jours ? De l’huile de foie de… de requins, Bingo ! Marketing, lorsque tu nous prend pour des cons, tu ne le fais pas à moitié !

_{Filet et récifs...}

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En bordure de plage, c’est cette fois-ci un dauphin que je retrouve accroché à une ligne et qui fera certainement le repas d’une famille. L’image est encore plus insoutenable pour moi. Je n’ai même pas le courage de faire une photo. Mais encore une fois, dauphins, tortues, vaches ou porcs, sans oublier les millions d’hectares d’arbres coupés pour faire pousser notre verdure et notre lait de soja Bio, il faut bien se résigner à admettre que l’Homme a basé sa survie sur la destruction de son environnement, et que l’issue est connue de tous… Mais que personne ne s’inquiète pour la planète. A la fin, elle sera bien là, elle !

Prochaine réflexion plus positive, promis !

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