Le voyage au bout du monde • chapitre 4

Le port est définitivement à sec et la bande qui constitue l’îlot est face à nous. Sillonnant au milieu des bateaux échoués et des bouées libres, nous suivons les conseils de Nathalie. Marine a été inspirée de mettre ses bottes. J’ai été plus imprudent. Mes petites chaussures de toiles sont déjà deux baignoires aux pieds.

Arrivés sur l’îlot après une bonne demi heure de marche, nous regardons cette petite bande de terre, avec ses cailloux qui délimitent des petites parcelles. Tout est à l’abandon. Nathalie nous expliquera plus tard qu’au début du siècle, l’île comptait plus de 120 familles et chacun cultivait la patate sur ses petits lopins. Les seules terres cultivables de l’île. Aujourd’hui, il ne reste que les vieux qui profitent des gros coefficients pour tenter leur chance au homard dans les cailloux découverts.

Il y a cette digue impressionnante aussi. Un brise lame. Nous en avons vite fait le tour et mon estomac me rappelle mon projet gastronomique. J’essaye de convaincre Marine de se jeter sur le crustacé qui fait la réputation de l’île. Refus catégorique. Nathalie lui recommande un poisson pêché du jour. Marché conclu. Le temps semble s’être arrêté.

Mon homard est un juste régal. La conversation aussi. Géopolitique forcément. Il me semble que c’est la première fois que ma fille ne me parle pas avec un ton condescendant. Nous partageons nos analyses et nos points de vue. Ce voyage au bout du monde est comme un nouveau départ avec ma fille. Pour autant, elle m’impressionne de connaissance et d’analyse. Je ne pensais pas qu’on puisse avoir autant d’acuité à 17 ans…

Deux heures que mon crâne prend la couleur de mon homard, il est temps de visiter le reste de l’île. Le bateau du retour est à 16h30. Nous avons donc encore deux bonnes heures pour traverser le village et aller au bout du phare…