Le voyage au bout du monde • chapitre 1

C’est rare que la tribu soit éclatée. Les vacances scolaires sont ainsi et ma grande est venue seule voir son père en Bretagne. On a beau être fin octobre le temps est plutôt clément. Marine prépare ses concours pour Science Po. Elle travaille dur. Elle ne fait que ça d’ailleurs. Son bac lui parait même futile. Il n’y a aucun lieu de s’inquiéter d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, je l’ai pour moi tout seul et j’ai envie qu’elle lâche ses bouquins! Qu’elle profite de sa venue pour décompresser vraiment.

Je lui propose donc de passer une seule journée en dehors de la maison. Partir à la fraîche et traverser la Bretagne pour aller dans le Finistère. Direction Audierne afin de prendre le bateau et passer une journée sur l’île de Sein. La môme ne me dit pas non mais je sens bien que je n’ai le droit qu’à une journée. J’arrive quand même à lui décrocher une option : nous dormirons sur le retour dans une pension de famille sur Audierne, puis le lendemain matin nous rentrerons en passant par la Pointe du Raz et elle pourra se replonger dans ses bouquins. Marché conclu.

La magie d’internet me permet de tout boucler à l’avance et à 5h00 du matin, nous décollons direction l’embarcadère d’Audierne. Marine est non fumeuse et je vais devoir me contenir. L’appel d’une cigarette va malheureusement l’emporter. Je fouille mes poches à la recherche d’un briquet. Recherche infructueuse, je suis parti sans. C’est marrant dans ces moments comme le cerveau cherche et envisage toute une pléiade de solutions en espérant pouvoir allumer la fameuse cigarette. Mais rien et dans un limite cri de désespoir, je m’en ouvre à ma fille. Elle sourit. Marque une pause. S’empare de son sac, fouille quelques instants et extirpe un briquet salvateur.

Ma fille fume donc? Décidément, on ne me dit jamais rien. sur le fond, je ne vais pas lui faire la morale, moi qui attaque deux paquets par jour! Je baisse un peu la fenêtre, allume le précieux sésame tant convoité et ne pipe pas un mot. il est 6 heures et nous sommes à mi course, en pleine pampa bretonne un peu avant Carhaix. Réflexe de gros rouleur ou d’ancien chasseur, je l’ai vu. Les deux pieds sur le frein, le petit 4x4 s’immobilise non sans mobilisé l’ABS. Ce vieux cochon de 100 kilos traverse sereinement la route. J’ai les jambes qui flageolent et lui prend tout son temps. Marine a eu le temps de voir. Nous éclatons de rire en laissant passer l’intrus. Il est temps de continuer notre périple, embarquer sur le bateau pour aller au bout du monde : l’île de Sein.

Le soleil pointe son nez pour notre arrivée sur Audierne et nous passons devant la pension de famille prévue pour le soir même. Marine sourit face au charme désuet de cette grande bâtisse avec une véranda magnifique longeant le bord de mer, très anglaise. nous y serons bien, c’est sûr. L’embarcadère est non loin et dix minutes plus tard, nous avons les fameux billets en poche. Il fait beau mais pas si chaud. Le bateau n’est pas encore à quai alors nous observons ce vieux bâtiment délabré des sauveteurs en mer… quand la corne de brume retentit. Il est temps d’embarquer.