Naître dans l'amour et devenir un être: des connaissances ancestrales pour la transition vers la maternité

Au cours de tant d'entretiens que j'ai eu avec les femmes sages de l'Amazonie ou avec des femmes qui voulaient me parler de leur expérience de la grossesse et de l'accouchement, j'ai pu vérifier que les peuples amazoniens possèdent une sagesse extraordinaire concernant les techniques, les soins et les conceptions de la physiologie des femmes, l'accouchement et les soins périnatals, et si une chose est certaine, les peuples amazoniens du Venezuela ne partagent pas la vision que la majorité des femmes occidentales se font de l'accouchement, un processus inévitable mais pénible. En fait, les femmes à leur villages peuvent accoucher sans être accompagnées et la chose la plus fréquente est d'accoucher pendant une corvée qui se poursuit immédiatement après que le bébé soit sorti naturellement par le vagin.

En Europe, avant le XVIIIe siècle, l'accouchement et les soins prénatals étaient confiés à des sages-femmes, des femmes qui apportaient leur aide par divers moyens et qui avaient appris leurs connaissances par d'autres femmes oralement. Mais dans la seconde moitié de ce siècle, des connaissances médicales gynécologiques sont instituées en France, les accouchements et tout ce qui s'y rapporte deviennent l'apanage des médecins masculins (car seuls les hommes peuvent aller à l'université) et une position est prescrite sinon contre nature, inopportune et non utilisée par des autres cultures pour l'expulsion du bébé: le décubitus dorsal. Avec ce transfert et cette violation progressive de la profession de accoucheuse, le corps de la femme est médicalisé: le fait naturel de l'accouchement est assimilé, en étant traité par un médecin, à une maladie.

L'Occident a pathologisé les processus de l'anatomie de la femme humaine: la menstruation est une transe inconfortable qui doit être soulagée avec des médicaments, la grossesse est une condition médicale et l'accouchement nécessite des interventions chirurgicales. Mais ce biais est en fait une tradition en Occident. Pour Aristote, le corps des femmes était décharné et sans énergie vitale; vide et malade sauf quand il portait la progéniture d'un homme dans son ventre. Dans L'interprétation des rêves de Freud, nous découvrons que les filles font l'expérience du complexe d'être des hommes castrés, c'est-à-dire, que leur corps est défini par le manque. Dans une autre de ses œuvres, L'hystérie propose que l'origine de cette névrose, une souffrance exclusive des femmes, soit le manque de sexe.

Dans le Centre d'Attention pour les Femmes Indigènes Amazoniennes (CAMIA, pour le sigle espagnol), dont nous avons déjà pu parler dans un article précédent sur mon blog, nous cherchons à offrir un service de accoucheuses indigènes traditionnelles. Notre but est que les sages-femmes indigènes puissent s'occuper du contrôle prénatal et postnatal des patientes, ou ce qui est la même chose, que ce soient elles qui soignent les désagréments de la grossesse, les complications de l'accouchement et le puerpérus en même temps que nous préservons et promouvons le savoir local dans un contexte urbain, dans lequel par influence occidentale et par mépris pour la pharmacopée autochtone, ceux-ci ont tendance à s'oublier.

Les examens prénatals peuvent être essentiels pour prévenir les complications pendant l'accouchement. Les données du rapport de la CEPALC/CELADE sur la santé maternelle et infantile des populations autochtones et d'ascendance africaine d'Amérique latine (2010) ont révélé que la plupart des femmes indigènes ne se sont pas présentées plus d'une fois aux examens gynécologiques prénataux, ce qui semble regrettable, mais en même temps offre une occasion magnifique de proposer le contrôle par des sages-femmes traditionnelles comme alternative. Le fait que les peuples indigènes constituent le segment de la population dont le taux de mortalité à la naissance est le plus élevé dans la plupart des pays de la région montre également que les connaissances des sages-femmes ont été abandonnées ; dans la situation de pénurie de professionnels et de fournitures médicales au Venezuela, la pratique traditionnelle des accoucheuses autochtones est plus une nécessité qu'un choix, qui peut sauver plusieurs vies au milieu du tourbillon funèbre de la crise vénézuélienne.

L'Amazonie vénézuélienne compte vingt groupes ethniques autochtones reconnus, dont trois ont leur territoire ancestral en Équateur et dans le sud de la Colombie, relativement loin de la frontière vénézuélienne. Chaque culture a ses propres méthodes pour déterminer, par exemple, le sexe du fœtus, traiter certaines anomalies ou malaises liés à la grossesse et la position idéale pour l'accouchement. L'extraordinaire biodiversité du bassin amazonien permet également une variation considérable des plantes utilisées dans la pharmacopée de chaque peuple.

Notre service propose l'intégration entre le système d'attention allopathique occidental et les systèmes de santé autochtones. Ces derniers sont holistiques, c'est-à-dire, qu'ils traitent le gêne ou la maladie de manière intégrale, jamais dissociée du comportement de la personne affectée ni de sa relation avec la communauté d'appartenance. Ils sont moins invasifs et peuvent offrir des réponses que la science occidentale n'a pas encore. Cependant, il y a des problèmes que ces systèmes ne peuvent pas résoudre (par exemple, il n'y a parfois pas d'autre moyen de sauver la vie d'un bébé que la césarienne), de sorte qu'une attention optimale au plus grand nombre d'urgences ne peut être obtenue que si elles sont conçues et utilisées comme systèmes complémentaires.

Enfin, la tâche des chercheurs comme moi dans la maison, est de recueillir l'information sanitaire qui a cessé d'être publiée ou même recueillie par la mise en place comme une politique publique au Venezuela, de "zones de silence", vastes domaines des régions les plus reculées, souvent à forte présence indigène, sur lesquelles la modification des causes de la mort et des registres épidémiologiques est ordonnée.

Une de mes missions est la compilation et la systématisation des usages des plantes médicinales, afin que dans un futur proche la maison dispose d'un petit jardin à l'usage des accoucheuses et des patientes. Notre intention n'est pas de recueillir ces informations afin de les préserver dans l'intimité et le confort des cloîtres du savoir scientifique, mais de publier des brochures et de courts ouvrages d'information pour des peuples autochtones auxquels ces connaissances appartiennent par attachement culturel et de contribuer ainsi à la vitalité et à la continuité culturelles, même si nous devons affronter le désintérêt des jeunes pour la sagesse des leurs grands-parents.