Salon-Philo: L'Art De L’Étonnement ( Ou comment échapper à l'ignorance ?)

in #fr7 years ago (edited)

Notre capacité à nous étonner est-elle intimement liée à notre habilité à pouvoir penser le monde ? Rien n'est plus ennuyeux en effet que quelqu'un qui ne s'étonne de rien. A l'inverse, rien n'est plus agaçant que celui qui s'étonne de tout. L'art de l'étonnement constituerait donc un fragile équilibre entre les deux: celui qui nous détourne de trop d'évidences en nous préservant d'un perpétuel ahurissement.

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Dans tous les cas, l'art de s'étonner serait tributaire de notre capacité à philosopher. Mais la philosophie ne se contente pas d'illustrer le monde comme le faisait les mythes avant elle. L'étonnement serait un peu comme le fils descendu sur terre de l'émerveillement mythologique et destiné à éclairer notre conception du monde par le discours, la logique et la raison.
Ce qui a par contre émerveillé les hommes au sens propre, c'est la possibilité que cette dimension de notre existence leur semblait être infinie. Le savoir ou la connaissance sont des potentialités infinies, des virtualités en demeure de se projeter sur l'avenir. La métaphore la plus usuelle de cette capacité d'étonnement en l'être est celle de la chenille se transformant en papillon. Par quel miracle deux organismes aussi différents peuvent-ils co-exister dans le même ? Le mystère de cette métamorphose réside dans le devenir. D'où, par exemple, l'idée d'une essence divine des Idées chez Platon. Ou celle de l'harmonie préétablie chez Leibniz. Il y aurait un 'je-ne-sais-quoi' relativement indicible à vouloir comprendre le principe suprême de toutes choses. Mais cette connaissance se prendrait elle-même pour fin et seule raison d'être de son existence. Retour à l'idée de Dieu peut-être ? Par le sceau de la raison, la philosophie a permis aux sciences modernes d'élaborer de nouvelles méthodes et d'éclairer le champs spéculatif de l'humanité de nouveaux concepts.

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Mais toute cette puissance de penser prenait initialement sa source dans les contes et les légendes, dans la nature elle-même, source d'inspiration infinie comme chez Lucrèce. L'erreur de la raison a été de se couper de cette réalité et de se croire supérieure à elle. La raison mène souvent au piège de la déraison. La déraison elle-même manifeste les failles d'élaboration d'un système uniquement fondé sur la raison. Dans la "Critique du Jugement" d'Emmanuel Kant, le système élaboré par l'appareil critique de la raison pure finit lui-même par s'effondrer sous les coups de butoirs irrationnels du Sublime qui déstabilise entre elles toutes les facultés.
C'est en effet l'imagination qui, à son fondement, serait source de tous savoirs et de toutes connaissances. Grâce à elle, nous pouvons nous rendre pratiquement partout où nous le souhaitons. Du moins, en imagination. Mais lorsque notre capacité d'imaginer est éveillée, alors elle se transforme en savoir par le partage des représentations qu'elle évoque et elle peut devenir aussi projection de notre avenir ou pure visualisation agissant de manière subconsciente pour inspirer notre vie.

Notre étonnement ne serait donc alors que l'effet initial et inaugural de notre capacité à pouvoir nous projeter dans l'avenir en nous ouvrant par la pensée à l'imagination et aux rêves qui construisent notre avenir ainsi que notre relation à autrui, à l'indicible, à l'invisible, à l'inconnu, à la beauté et au mystère. Cette conception, en termes de connaissance, Kant l'avait formulée sous l'appellation de jugement synthétique à-priori. C'est l'idée d'après laquelle un accroissement de notre connaissance serait rendu (mystérieusement) possible indépendamment des données sensibles de notre expérience. Un accroissement de notre connaissance serait donc produit indépendamment de toute expérience sensible. Cette découverte formulerait rationnellement l'hypothèse du Génie et de l'avancement des découvertes dans la Science. Comment cela s'avère-t-il possible ? C'est peut-être le tour de passe-passe de l'intelligence de la vie en nous-mêmes ? Peut-être sommes-nous agi (hypothèse spinoziste) différemment de ce que nous pensions l'être si nous n'éclairons pas suffisamment les raisons qui nous poussent réellement à agir de telle ou telle manière en fonction de nos intentions premières (l'examen socratique de conscience sans lequel la vie ne vaut pas la peine d'être vécue) ? Nous devrions dés lors distinguer les causes de leurs conséquences et refaire pour nous-mêmes le chemin de rencontre entre la philosophie et la vie...

Démystifier toutes les tentatives de corruption des fausses croyances reposant sur des jugements erronés concernant la véritable nature des choses serait notre mission. L'avenir de la pensée dépendrait alors essentiellement de notre éducation à l'esprit critique si essentiel pour survivre dans un monde de faussaires. Reconnaître notre propre ignorance, le point de départ de toute légitimité en la matière.

"C'est, en effet, l'étonnement qui poussa, comme aujourd'hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l'esprit; puis, s'avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des Étoiles, enfin la genèse de l'Univers. Or apercevoir une difficulté et s'étonner, c'est reconnaître sa propre ignorance (c'est pourquoi même l'amour des mythes est, en quelque manière, amour de la Sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l'ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c'est qu'évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s'est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Je conclus que, manifestement, nous n'avons en vue, dans notre recherche, aucun intérêt étranger. Mais, de même que nous appelons libre celui qui est à lui-même sa fin et n'existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin."
Aristote, Métaphysique


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