Mais voilà, il existe une loi bien connue des gens de mer nommée Loi de LEM : Loi de l’Emmerdem… Maximal. Plus poliment présentée, les terriens l’énoncent par : « un problème n’arrivent jamais seul… ». En observant l’horizon, je vois la mise en application de cette loi dévaler sur moi. Si tôt ma réparation achevée, un front noir et tourmenté s’abat sur Aurora. Le vent se lève d’un seul coup au delà des 40 nœuds. La mer devient forte, trop forte pour que le moteur puisse accomplir les 15 petits milles nautiques me séparant des îles Sabalana. Face aux vagues, au vent, et au courant, moteur en marche, Aurora recule. Je pensais à un simple orage, mais il s’agit bien d’une dépression. Je n’ai pas d’autres choix que de prendre le train dans le sens de la marche. Je tourne donc dos au vent et me laisse porter dans sa direction. Le cap me donne l’île de Flores et la ville de Labuan Bejo. Je n’ai pas d’autres choix que de l’accepter. Une centaine de milles m’en sépare. Le vent et les vagues en poupe, l’allure est bien plus confortable et Aurora avance désormais à 5 nœuds avec un régime moteur mis au minimum. Le désavantage est que par allure portante, le voilier roule exagérément en faisant incliner le mât de manière inquiétante. A chaque vague je serre les dents et me demande si le mât cassera maintenant ou bien à la vague suivante… Le mauvais temps monte encore. Les ondes atteignent 3m, la mer fume sous les rafales, l’eau ruisselle à l’intérieur de la cabine par la cadène cassée, je monte régulièrement sur le pont pour réajuster ma réparation, je suis très inquiet. Pour la première fois depuis mon départ il y a 3 ans, je prépare mon sac de secours. Ma balise de détresse, mon GPS portable, mon téléphone, de l'eau, de la nourriture, un couteau, des sacs étanches, à vrai dire je ne sais pas trop quoi mettre à l'intérieur. Ma pince coupe haubans et ma scie à métaux sont également prêtes à être utilisées en cas de rupture du mât. Un rapide coup d'œil me fait comprendre que si le mât venait à rompre, les voiles, le bi-mini, les panneaux solaires, les antennes radio, l'antenne GPS et le radar seraient alors arrachés et le suivraient à l’eau. Il faudrait alors rapidement couper le haubanage pour faire une place nette et tout abandonner à l’eau avant que l'ensemble ne vienne frapper et détériorer la coque.

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La nuit se passe à ce rythme infernal. Je m’assoupis de temps à autres, je fais de nombreux cauchemars, et me réveillent en sursaut en allant vérifier si cette histoire de mât tordu n’est pas un mauvais rêve. Mais non, tout cela est bien réel. Au petit matin la mer s’adoucit lentement, Labuan Bejo est en vue, le mât a résisté, je jette l’ancre, m’assois, et regarde encore une fois ce mât qu’il va falloir maintenant réparer…