[Gontrand et Clémentin] Curé n'est pas qui vaut

in #fr6 years ago (edited)
Attention, avant de lire nos nouvelles, il est fortement conseillé d'avoir lu le prélude, sans ça vous risquez de ne comprendre absolument rien (déjà que c'est pas facile de base).

Illustration : Tony Crayon


Il était un lundi de Pâques, fort ensoleillé, comme ils le sont parfois à Monteaugrouin. Clémentin, le compagnon phoque de Gontrand était parti plus tôt, à la chasse aux champignons et avait, au passage, réveillé son ami. Il fallu à ce dernier plusieurs longues minutes avant d’enfin se rendormir en sursaut.

Quand soudain, par un hasard certain, le curé du village, qui passait par là, choisit la porte de nos deux compères pour y cracher quelques muqueuses sépulcrales dont il venait de se purger. Le curé n’était ni grand ni petit, mais de corpulence extravagante. Le bruit du glaire, au contact fortuit du bois, éjecta Gontrand hors de son romanesque sommeil. D’un bond, il sortit de son lit en clopinant. En effet, il est important de rappeler au lecteur que, malgré son allure athlétique, Gontrand, après une rupture du tendon d’Achille mal soignée, avait perdu l’usage du benjamin de ses orteils.

Dans les délais les plus succincts, il alla ouvrir la porte de son « antre », comme il aimait la surnommer, afin de réprimander ce sacripant qui osait s’en prendre à sa gracieuse structure architecturale. Quelle ne fut pas sa surprise d’appréhender le curé qui, d’un pas décisif, s’apprêtait à remettre ça.

— Monsieur le curé ! cria Gontrand à en perdre la raison de ses cordes vocales ; n’avez-vous pas honte de blasphémer notre humble demeure.
À première vue contrarié d’avoir été ainsi pris la main dans le sac, mais s’apercevant d’être méprisable jusqu’à la moelle, le curé ne trouva pas les mots pour se disculper.
— Mille pardons mon enfant, balbutia-t-il, je suis vieux, très vieux et mes saintes glandes lymphatiques me font tant souffrir. Sauras-tu j’espère trouver la paix dans les tréfonds de ton cœur pour me pardonner.
— Trois, c’est trop ! hurla Gontrand avec le respect qu’imposait la prestance de son interlocuteur. Déjà la semaine dernière, hier et maintenant aujourd’hui, je ne peux supporter plus longtemps votre incontinence ganglionnaire. Cette fois, nous allons régler ça avec madame le maire.
Le curé le supplia, mais fut contraint d’asseoir son fessier proéminent, à la place du mort, dans le coupé sport de son bourreau.

Dans une suite d’événements incongrus et forts enthousiasmants, qui ne seront à mon grand désarroi pas contés ici, Gontrand et le curé arrivèrent enfin au repaire fortifié de madame le maire Caspienne. Ils purent apercevoir Henry. Celui-ci, qui devait réaliser moult travaux ardus pour le compte de la dirigeante, stagnait au sein d’une peuplade de géranium en attendant de se voir attribuer de nouvelles directives intrinsèques au désir de sa tyrannique, mais juste patronne. Gontrand stationna vulgairement son coupé au milieu du jardin comme la prunelle de ses yeux. Puis, il prit le curé par le collet en maugréant que le temps presse. Madame le maire se présenta avec torpeur devant les deux belligérants. Elle était si exactement pareille aux autres femmes du village qu’il était difficile de la reconnaître de dos. « Une chance qu’elle se présente de face », pensèrent indépendamment Gontrand et Monsieur le curé.

Le plaignant s’engagea la fleur au fusil, dans cette plaidoirie qu’il anticipait violente, mais rapide. Après une suite d’objections, d’injonctions et d’autres joyeuseries, Caspienne coupa court. Elle reprochait à Gontrand d’avoir parqué son coupé de façon à couper le jardin de sa petite cour de long en large. Lorsqu’ au comble de l’exaspération, elle prit conscience qu’Henry flânait dans les géraniums.

— Cours, lui cria-t-elle et le serviteur pris ses jambes à son cou.
— Revenons à nos moutons, susurra-t-elle, en se retournant vers Gontrand, qui était dans ses petits souliers.

C’est alors qu’elle entama une longue liste de reproches qui serait blessante pour lui de vous narrer ici. Plus la liste grandissait, plus le principal intéressé se dessinait un enseignement à retenir. C’est alors que Madame le Maire se tourna pour voir l’avancée d’Henry, laissant ainsi, à la vue de tous, la face postérieure de son corps. Mais celui-ci courrait toujours. Subjugué par ce dos si commun aux autres femmes du village, Gontrand abandonna l’idée de châtier le curé et de tirer une quelconque leçon de cette mésaventure.



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Suivez les aventures de Jacques et Gontrand (et leurs deux compères)
Le Prélude

Jacques et Markus

Le Shérif de Saint-Glier
Le châle

Gontrand et Clémentin

Le rêve
Vie paisible

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