[Gontrand et Clémentin] Vie paisible

in #fr6 years ago (edited)
Attention, avant de lire nos nouvelles, il est fortement conseillé d'avoir lu le prélude, sans ça vous risquez de ne comprendre absolument rien (déjà que c'est pas facile de base).

Illustration : Tony Crayon

Gontrand n’avait plus d’emploi depuis maintenant quelque temps. Ils vivaient, lui et Clémentin, grâce aux restes de la prime pour sa blessure au talon d’Achille, mais leurs ressources financières n’étaient plus très loin de l’épuisement.

– Le temps passe, lui dit Clémentin , – il faudrait voir pour te retrouver un emploi. Tu sais : faire une carrière, gagner sa vie. Tout le monde fait ça. Pourquoi pas toi ? Il faut toujours suivre la majorité. On ne te l’a jamais appris à l’école. Réussir sa vie c’est avoir une belle carrière et gagner beaucoup d’argent. Regarde Markus ! Quelle carrière ! Dans de nombreux emplois qui de plus est. Il est magistral.

– Écoute Clémentin, je ne sais pas. Je préfère avoir du temps pour être avec toi et pour profiter de la vie. D’ailleurs pourquoi n’as-tu pas de travail ?
– Tu sais très bien pourquoi. Je suis un phoque. Je dois m’occuper de la maison. C’est comme ça depuis la nuit des temps. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer. Mon rêve c’est de travailler, mais personne ne veut m’employer mis à part le cirque, mais faire le singe ça ne m’intéresse pas.
– Je suis désolé, je ne voulais pas te rendre triste. Peut-être qu’une partie du jeu de l’oie te remontrait le moral ?
– Oh ! C’est mon jeu préféré ! s’exclama Clémentin. J’adore cette boucle presque interminable. Toujours la même routine. Lancer les dés, avancer son pion, parfois subir les aléas du hasard et recommencer. Quel plaisir !

Gontrand installa le plateau de jeu à contrecœur et Clémentin alla préparer comme à leur habitude lors des séances « jeux de société » un grog sans alcool. Ils commencèrent à jouer et les tours s’enchaînèrent inlassablement. À chaque tour, le phocidé s’exclamait de plaisir lorsque le hasard penchait en sa faveur et poussait des soupirs interminables lorsque le malheur s’acharnait sur lui.

Gontrand quant à lui ne paraissait pas prendre le jeu si à cœur. Il lançait les dés sans espoir et avançait son pion machinalement. Lorsque la chance lui souriait, il regardait Clémentin s’en ronger les ongles. Alors que quand celle-ci lui tournait le dos c’étaient des jubilations qui sortaient de la gueule de son adversaire. Gontrand ne passait pas un bon moment. Il subissait la situation sans réagir. Cela faisait maintenant plus de 5 tours qu’il aurait pu gagner la partie, mais il s’arrangeait toujours pour truquer la somme des dés afin de ne jamais atteindre exactement la case de la victoire.

La partie était interminable et Gontrand perdait petit à petit espoir. Jusqu’à ce qu’enfin Clémentin posa son pion sur l’ultime case. Il sauta de joie comme jamais. Qu’il était heureux ! Gontrand était soulagé. Son calvaire était enfin terminé. Le bonheur qu’il pouvait lire sur le visage de son compagnon le réconforta. La partie l’avait fatigué ou peut-être était-ce toutes ces émotions. Un profond mal de crâne faisait résonner un bruit sourd en son intérieur. Il s’excusa auprès de son ami qui sautillait encore d’allégresse et alla se reposer dans sa chambre. Il ne parvint pas à trouver le sommeil. La partie et la discussion lui avaient retourné la tête. Était-il important qu’il trouve un emploi ?

La sonnerie du téléphone retentit dans la maison. Gontrand fut expulsé de ses angoisses et alla répondre avec un ton encore migraineux.
– Allo ?
– Oui ? Bonjour, vous êtes monsieur Gontrand ?
– Oui, qui est à l’appareil ?
– Je suis Maître Friedrich, mais ça n’a pas d’importance. J’ai une nouvelle à vous apprendre : Madame Dedieu est morte.
– C’est fort regrettable, mais je ne la connais que de nom, vous me pardonnerez mon manque de tristesse.
– C’est très bien, j’ai une haine profonde pour les saules pleureurs. En fait, Monsieur, je vous parle d’héritage. Sur son testament, il est fait mention d’un acte héroïque de votre part, une histoire de pendule et de bras cassé. En bref, elle vous a légué une somme impressionnante et je vous serais reconnaissant si vous veniez la récupérer rapidement afin que je puisse enfin toucher mes honoraires exorbitants.

Gontrand raccrocha le téléphone à cadran et le déposa sur la commode. Il avait rendez-vous dans 20 minutes pour aller chercher ce qui lui permettrait de vivre sans jamais plus avoir à travailler. Il expliqua à Clémentin la situation et se rendit au rendez-vous.

Lorsqu’il rentra peu avant le coucher du soleil, Gontrand plaça à l’abri la condition sine qua non de sa liberté et proposa à Clémentin la revanche au jeu de l’oie, mais cette fois avec le sourire.

La vie est tellement simple.



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Le Shérif de Saint-Glier

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Le rêve

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