Rencontres avec l'Afrique : Au pays du Vaudou

in #fr6 years ago


Le Bénin

Quand j’ai trouvé ma première maison à Abidjan, il y avait un gardien et un cuisinier qui travaillaient déjà pour les anciens propriétaires. C’était assez nouveau et un peu étrange pour moi d’avoir des employés de maison mais ils étaient visiblement inquiets de leur situation. Immigrés en Côte d’Ivoire, le gardien dont j’ai déjà conté la triste l’histoire était Burkinabé et le cuisinier Béninois.

Ce dernier, Jonas, installé avec sa famille dans un quartier à la périphérie d’Abidjan, nous a invités pour nous enseigner sa maison et présenter sa famille. Il avait deux enfants, puis un an plus tard, un troisième pointait le nez. Jonas nous demanda un congé pour retourner au Bénin pour l’accouchement et nous invitât à passer dans son pays durant nos prochaines vacances.

* * * * *

Dans la famille à Jonas

Pour se rendre au Bénin en voiture il faut un peu de temps. Le problème ceux sont les frontières. Ghana, Togo et enfin Bénin, trois frontières au programme. Pour le retour nous avions choisi de un autre itinéraire, en passant par le Burkina nous faisions plus de route mais n’avions qu’une seule frontière. La Côte d’Ivoire étant notre pays ne nous posait aucun problème.

Le voyage s’est bien déroulé, les coupeurs de route étant fréquent il été déconseillé de rouler de nuit, il a donc fallu un jour par pays. La traversée du Togo, pays très étroit et tout en longueur nous a donné envie d’y retourner. Enfin le Bénin nous a ouvert ses portes. La famille de Jonas habitait prés de Ganvier, une cité lacustre. C’était amusant de se déplacer en barque pour aller au marché, une petite Venise Béninoise.

Nous avons reçu un accueil formidable dans la famille, dire que nous étions chez nous est en dessous de la vérité. Nous étions constamment remerciés d’employer le fils, comme si nous leur faisions un cadeau. Ceux sont des moments paradoxaux. On se sent heureux de ce que l’on reçoit, on se laisse convaincre que l’on est un bon patron, une bonne personne. Quelle faiblesse ! Car on est aussi honteux de ne pas donner et faire plus. Quand on pense aux salaires que l’nous payions, ridicules pour nos revenus. Et pourtant nous payions un peu plus que les voisins, ça donne bonne conscience.

La bébé venait de naître, nous voulions laisser Jonas et sa famille profiter de l’événement avec leurs proches, nous avons demandé la route deux jours plus tard. Demander la route est une belle expression que l’on utilise quand on quitte quelqu’un, on demande l’autorisation de s’en aller en quelque sorte. Il faut souvent demander plusieurs fois, façon de vous dire que l’on regrette votre départ.

Nous avions de la route à faire et un ami à rejoindre, avec qui nous allions remonter le pays pour atteindre le parc national du W, drôle de nom qui deviendra le parc de la Pendjari en entrant au Burkina.

Un redoutable policier

Il y avait à cette époque une information qui circulait entre les voyageurs. Au centre du Bénin, à la sortie d’une ville dont le nom se refuse à ma mémoire, un barrage surveillé par un policier qui avait la réputation de ne jamais laissé passer un véhicule sans le paiement d’un petit bakchich. Chacun racontait avec humour la raison pour laquelle il avait fini par être verbalisé. Un tel n’avait pas de trousse à pharmacie, il manquait à un autre le triangle ou une ampoule de rechange, un troisième avait un papier pas tout à fait en règle … L’ami qui nous rejoignait avait parié qu’il passerait sans payer. Il avait noté toutes les demandes que faisait le policier, interrogeant toute personne qui avait un jour fréquenté le Bénin. Il avait anticipé les autres demandes possibles. Un défi pour le plaisir car le montant de l’amende était insignifiant.

Voulant profiter de la négociation, je suis passé le premier et ai rapidement confessé une petite faute entrainant le paiement d’une petite amende mais l’ouverture immédiate du passage. Rapidement garé je suis revenu à pieds assister au spectacle.

C’était la phase des papiers, carte grise, visa, permis international, assurance … tout en règle. On est passé à l’équipement. Mon ami jouait la montre, faire perdre du temps au policier permettait d’attendre d’autres clients potentiels et d’essayer de sympathiser avec le policier. Celui-ci demandait « Avez-vous la trousse à pharmacie ? », le copain discutait, « Ah il faut une trousse à pharmacie ? », le policier s’enthousiasmait « Oui monsieur vous devez pouvoir porter secours ». Le copain semblait embarrassé à la grande joie de son interlocuteur, puis feignant une idée soudaine, cherchait longuement. Inquiétude puis déception du policier à l’apparition triomphale d’une boite marquée de la croix rouge. On passait au triangle, puis au cric, aux ampoules de rechange. Et chaque fois le même spectacle. Ça a duré plus de trois heures, le copain a gagné son pari, à Abidjan on en a entendu parler pendant des mois.

* * * * *

Jonas est revenu travailler à la maison deux mois plus tard mais sa femme était restée au Bénin. Il ne s’y est pas fait et avec beaucoup de gène et de délicatesse est venu à son tour nous demander la route. Chez nous on dirait qu’il a posé sa démission. On ne lui en a pas tenu rigueur bien évidement, même si sa cuisine, sa discrétion et sa gentillesse allaient nous manquer. C’est notre vie, faite de petits déchirements et de grands bonheurs lors de retrouvailles. Jonas a eut 4 enfants et avait trouvé un bon travail dans un hôtel de Cotonou. Comme quoi les histoires Africaines ne finissent pas toujours mal.

Le Bénin c’est aussi le pays du Vaudou. Malgré la mauvaise réputation qu’on lui a faite au cours du temps, le vaudou n’est jamais qu’une forme d’animisme. Parfois détournée parce que tout le monde y crois très fort. Pour la petite histoire, ceux sont les esclaves envoyés aux Caraïbes qui y ont exportés le vaudou.

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C'est toujours très agréable à lire et très humain, merci.

Merci @ofildutemps peut-être que malgré les apparences c'est l'Afrique qui nous donne des leçons d’humanité

ça j'en suis persuadée encore faut-il les regarder vivre et les écouter!

J'aime bien ta phrase :"se laisser convaincre qu'on est une bonne personne".... C'est vrai que ce sentiment, je l'ai eu je ne sais combien de fois dans les mêmes cas de figures et comme toi, il m'est important de ne pas perdre la notion de la valeur de "l'aide" apportée de notre part. Ton histoire est comme d'habitude, super touchante... Et drôle ! J'ai bien aimé le policier qui devait être vert de rage, enfin, vert sombre ;-). Quant au vaudou, je n'ai aucune notion de ce que c'est vraiment (à part la vulgarisation illustrée d'une poupée recevant une séance d'acupuncture)... Je vais donc cherche le sens du mot "animisme" pour m'instruire un peu... Merci Thierry pour ce post qui nous mène encore bien loin !

Merci à toi @tiloupsa pour ta lecture et ton commentaire. Bien loin dans le temps en effet ! En attendant te nouvel épisode de ton histoire de famille ...

C'est toujours un plaisir de lire chacune de vos découvertes ! Upvoté à 100% !

Passionnant! Une écriture sensible et un voyage au coeur de la culture africaine. Je m'abonne à vos récits!

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