Rencontre avec l'Afrique : De Bobo à Ouagadougou

in #fr7 years ago


Le Burkina Faso

Partis d’Abidjan avec le train de la brousse pour assister au festival bi annuel du cinéma Africain, Episode 1 nous avions voyagé jusqu’à Bobo-Dioulasso. La curiosité nous avait fait quitter nos compagnons ferroviaires pour visiter la seconde ville du Burkina. Le train ne nous avait pas attendus et nous poursuivions notre chemin en taxi brousse. Le hasard m’avait assis à la droite d’un vieil homme en tenue traditionnelle au regard vif et intelligent. J’avais remarqué immédiatement son charisme quand il avait posé ses yeux sur nous pour demander si la place était libre.

Nous engageâmes immédiatement une conversation passionnante, elle fût si riche qu’elle écourta grandement un trajet parfois monotone.

* * * * *

Le Che Guevara Africain

On ne pouvait pas parler du Burkina Faso à cette époque sans parler de celui qui lui a donné son nom moderne. Celui qui a gouverné le pays de 1983 à 1987, date de son assassinat lors d’un coup d’Etat. Le Che Guevara de l’Afrique : Thomas Sankara. Il fût notre 1er et long sujet de conversation, entre décisions politiques majeures et anecdotes mon compagnon de voyage m’a tracé le portrait de celui qu’il avait fini par admirer et regrettait aujourd’hui.

Je m’étais intéressé à Sankara, avant même de connaitre l’Afrique. Anti impérialiste, panafricaniste, impliqué dans le mouvement des pays non alignés dés les années 70. Il critiquait le néo colonialiste, de la France, avait voyagé en URSS et à Cuba. Adepte de la démocratie participative il a mis en place des nouvelles structures, à marche forcée. Contestant la dette du pays dans un de ces plus fameux discours il défendait le droit à boire et à se nourrir, le droit à l’éducation. A l’intérieur Sankara essaye de lutter contre les pouvoirs traditionnels, cherche à diminuer le poids des tribus, à donner plus d’efficacité à l’Etat.

Lorsque l’on s’intéresse un tant soit peu à l’Afrique de l’ouest ou aux mouvements révolutionnaires, il faut absolument lire un peu son histoire, facile à trouver, et mieux documentée que je ne saurais le faire. Mais Sankara à apporter á la révolution sa touche Africaine, exagération, humour, provocation et marketing avant l’heure. Il a vendu toutes les voitures de luxe du gouvernement pour les remplacer par des Renault 5, baissé les salaires des hauts fonctionnaires et supprimer leur privilèges. Lui-même se déplaçait souvent en mobylette moyen de transport très courant, presque symbolique à Ouaga. J’imagine les ministres dans les rues chaudes et poussiéreuses de Ouagadougou, transpirant dans leur R5.

Les traditions

Notre conversation dériva parfois vers les coutumes et le pays lui-même. Mon compagnon de route, chef traditionnel dans un village du nord, les connaissait bien. Le Burkina partage beaucoup de traditions avec ses proches voisins. Les masques ne sont pas fait pour se divertir, ils représentent souvent l’esprit d’un ancêtre, sont réalisés par des artisans compétents et sacralisés au cours d’une cérémonie. La danse ou plutôt les danses, traditionnelles, jouet un rôle majeur et participent à toutes les cérémonies. De nombreuses langues et ethnies cohabitent dans le pays, je ne me souviens plus du nombre exact, une soixantaine. La famille et le village joue également un rôle très fort et malgré Sankara le pouvoir traditionnel continue de se superposer au pouvoir de l’Etat. L’animisme est omniprésent comme dans les pays voisins.

Peut-être un peu plus typique, les scarifications. Cette pratique, qui consiste à se faire des incisions sous la peau laissant des marques indélébiles, souvent sur le visage, était très développée (Je crois qu’aujourd’hui elle est interdite au Burkina). Elle avait un sens ethnique, une représentation sociale, un côté artistique pas toujours facile à identifier. Le tout un peu à l’image des tatouages en Polynésie.

Ouagadougou et le FESPACO

On sait que l’on arrive à Ouagadougou quand, arrêté à un feu rouge, on est entouré de centaines de mobylettes. Un peu comme on peut le voir dans certains pays Asiatiques. Le conducteur doit être extrêmement vigilant pour n’en toucher aucune. Une même mobylette peut porter facilement trois personnes, des poules, une chèvre et quelques affaires.

Le Burkina organise chaque deux ans un festival du cinéma, qui au fil des années a connu un succès croissant. Ce cadre a été une couveuse pour les artistes locaux, comédiens, producteurs, écrivains, musiciens … Dans le temps c’était bon enfant, il y avait du monde certes, mais à échelle humaine. On pouvait trouver à se loger et profiter de l’événement. Le cinéma Africain, trop méconnu encore aujourd’hui, était à portée de main. Pas les séries à la Brésilienne venant souvent du Nigéria. De vrais films, souvent durs, le cinéma Africain est réaliste, toujours émouvant. Dans les rues de tout côté des groupes de théâtres, parfois interactifs, toujours créatifs. Des conteurs entourés d’une horde d’enfants. De la musique bien sûr et de la bière.

A cette époque le sida était, malheureusement, à la mode. C’était le thème retenu par beaucoup d’artistes. Plus que les drames engendrés par la maladie, l’idée était de favoriser la prise de conscience pour développer la prévention. En ce temps là, en Afrique de l’ouest on rencontrait fréquemment des gens qui ne croyaient pas au sida, ou qui, à l’image de mon ami Juste dont j’ai conté précédemment l’histoire, me disait : « Sida là, c’est maladie de blanc ça ».

* * * * *

Pour finir sur le sida, une anecdote assez triste. Les années suivantes voyageant dans le Sahel les gens avaient une certaine méfiance envers nous qui venions d’Abidjan. J’ai mis longtemps à comprendre. Dans ces régions pauvres beaucoup ont émigrés vers Abidjan pour y trouver du travail. Tombé malade ils rentraient pour mourir au village mais le point de vue de ceux qui restaient étaient terrifiant car ils voyaient partir des jeunes qui soit ne revenaient pas soit revenait pour mourir. Je vous laisse imaginer l’interprétation dans cette Afrique où les croyances surnaturelles sont fréquentes.

Le Burkina a connu de bons moments mais pas autant á mon avis que méritait cette population extraordinaire. Aujourd’hui comme ses voisins Sahéliens il subit l’installation des groupes Islamistes avec des attentats réguliers dont un très récent.

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Merci pour cette description fidèle qui me ramène une douzaine d'années en arrière lorsque j'ai découvert le Burkina. Quelle tristesse pour la population de voir les attentats se multiplier.

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