Conte #2: La soumission des gazelles

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Moi, représentante d’une espèce de grand singe, je reste perplexe face à la scène qui se déroule juste un peu plus loin sur ce chemin. Une dizaine de lionnes dominent une dizaine de milliers de gazelles broutant, inlassablement, tout en restant vigilantes. Leur vie est faite d’anxiété et leur horaire est surchargé; brouter, suivre les pluies, se reproduire, forcer les petits à courir dès le premier jour, surveiller les 10 lionnes pour éviter d’être la prochaine proie anonyme.

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Avec tout ça, je ne crois pas qu’elles ont le temps de penser. Je ne crois pas qu’elles ont le temps de constater qu’elles sont des milliers contre dix. Je crois plutôt qu’elles font partie de ces millions de malheureuses à qui l’on a fait comprendre qu’il était plus utile de lutter pour leur survie en attendant la mort plutôt que d’apprendre comment vivre.

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J’étais perplexe. Je les trouvais connes ces gazelles. Puis, j’ai pensé à mon troupeau de grands singes: ma société. J’ai donc eu un grand appel à la nature. Certains dominent par excès de confiance, la plupart se soumettent par peur.

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Je vois les lionnes se préparer, et prendre d’assaut le troupeau. La panique s’empare du groupe. Sauf qui peut. Que le plus rapide survive. L’autre n’avait qu’à courir plus vite. Je ne suis pas effrayée par cette scène, elle m’est familière. Je sais comment elle va terminer. Vous vous en doutez aussi. Un faible est pris à part. Le troupeau est déjà parti. C’est lui qui sera mangé. Cependant, une mère ne l’entend pas ainsi : un virage à 180 degrés. Elle court pour son enfant.

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Les lionnes auront deux proies à manger, finalement.

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Sauf que, comme pour les bancs de poissons, le changement soudain de direction de la mère a changé l’angle de la course de ses voisines de fuites. D’une dizaine à la rescousse de l’enfant perdu, elles sont bientôt 100, 1000, 10 000. Tout le troupeau contre le 1 %.

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L’enfant est sauvé... pour cette fois... par une naïve solidarité.

Et je repense à mon troupeau de grands singes, ma société.

À vous de choisir la morale de cette histoire. Moi j’ai choisi la mienne.