Bonjour à tous.

Aujourd'hui, je tremble... j'ai encore vu cette phrase
"C'est l'individualisme rampant de notre société qui la tue"

Je tremble, car cette phase ô combien banale dans la vie de tous les jours est fausse... Ou plus simplement, elle est mal formulée et imprécise.
Je parle évidemment ici du mot "individualisme" qui n'a pas le sens qu'on voudrait lui donner.
On décrit souvent la langue française comme complexe. Elle est surtout riche en couleur et derrière un synonyme apparent peut se cacher un sens subtilement différent.
Sauf qu'ici, on associe égoïsme et individualisme alors qu'ils ont des sens totalement différents.

Ne vous en faites pas, je ne chercherai pas à vous noyer de notions philosophiques (j'en serais bien incapable). Nous resterons dans la définition et dans l'exemple pratique.

Avant de commencer, je souhaite souligner que ces deux mots sont des ismes.
Un mot en isme est un ensemble de concepts et d'idées plus ou moins complexes qui peuvent couvrir différents champs d'analyses comme la science, la politique et l'économie.
On peut s'amuser à en lister quelques uns :

• le communisme;
• le libéralisme (ou libertarianisme pour les « puristes »);
• l’athéisme;
• l’altruisme.

Par contre, tous les ismes n'ont pas forcément la même profondeur et ne peuvent pas être catalogués comme des ismes.

Pour finir l'introduction, je tiens à signaler que je me baserai sur le "Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales" qui est une référence pour tout ce qui touche à la linguistique.

Commençons par...

L'égoïsme !

L'égoïsme personnifié : Wikimedia
Sans vouloir paraphraser le CNRTL (enfin oui un peu), l'égoïsme pourrait se résumer dans une attitude et une manière de penser pour lequel le "moi" serait prédominant.
Mais attention, le "moi" ne se rapporte pas nécessairement à un individu.
On peut l'étendre à un groupe plus grand comme une famille.

Dans le pire des cas, l'égoïsme peut aller jusqu'à nier l'autre.
Et quand je parle de "l'autre", il s'agit bien évidemment des intérêts d'autrui.

Concrètement, cela peut se matérialiser de plusieurs manières.
Un égoïste pourra s'isoler des autres. Ici, il estime que "l'autre" n'a pas de sentiments ou qu'ils n'ont pas d'importance.
Un égoïste pourra abuser (au sens tricher) d'un système collectif. Ici, il estime qu'il récupère son dû au détriment des autres.

Evidemment, on peut tout à fait se retrouver dans des situations où un individu (même de nature altruiste) se comporte de manière égoïste.
Ce sont bien souvent des situations stressantes qui ne doivent être associées à l'égoïsme qui est beaucoup plus large.

Passons à...

L'individualisme !

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : Wikimedia

Sans vouloir paraphraser le CNRTL (eh eh), l'individualisme dans sa définition la plus profonde définit l'individu comme étant le plus petit "élément" dans la société.
Contrairement à l'égoïsme, l'individualisme ne nie pas "l'autre", bien au contraire.
Cette idéologie repose justement sur l’acceptation des intérêts individuels, ce qui admet le libre échange. Un marché est bien la somme des intérêts individuels contradictoires.

Lorsque vous vendez vos Bitcoins, il y a en face de vous une personne qui à un instant T a des intérêts divergents des vôtres ;).

Néanmoins, un individualiste sera quand même capable de s'associer à un groupe aux intérêts convergents.
Cependant, il refusera toute forme d'appel à la force de ce groupe.
En pratique, c'est plus compliqué puisque l'Etat disposant du monopole de la force (la police, la justice et l'armée), un individualiste sera obligé de le tolérer (bien qu'il puisse partir à l'autre bout du monde dans une île déserte).

D'une certaine manière, l'antonyme de l'individualisme est le collectivisme.

Chose amusante, l'anarchisme peut être collectiviste ou individualiste.

Chose encore plus amusante, Georges Brassens était (si on tentait de le définir) un anarchiste individualiste.
On retrouve l’individualisme dans certaines de ses chansons comme :

• « Mourir pour des idées » ou il refuse de mourir pour des « idées » collectives ;
• « La mauvaise herbe » ;
• « La mauvaise réputation » ;
• « Les deux oncles » : Antimilitariste.
  C’est d’ailleurs en feuillant Wikipedia que je suis tombé sur cette citation de Brassens (ou il répond à la question suivante « Envisages-tu l’individualisme anarchiste comme une philosophie ou une pratique ? »).

« C’est pour moi une philosophie et une morale dont je me rapproche le plus possible dans la vie de tous les jours, j’essaie de tendre vers l’idéal. L’anarchisme, ce n’est pas seulement de la révolte, c’est plutôt un amour des hommes. La révolte n’est pas suffisante, ça peut mener à n’importe quoi, au fascisme même ».

Wikimedia



Evidemment et on ne va pas se mentir, dans le langage courant, égoïsme et individualisme ont le même sens et c’est bien dommage.
Car en dénaturant l’individualisme, on se prive de pouvoir parler de la primauté de l’individu. Supprimer le sens d’un mot, c’est restreindre la pensée critique et ça induit des biais cognitifs énormes.

Pour vous donner deux exemples, il est tout à fait possible d’être égoïste et souhaiter un système de protection sociale. Sous couvert d’altruisme, un égoïste cherchera son intérêt (moral, financier etc…).
Un individualiste peut souhaiter un système de protection sociale à la condition qu’il puisse avoir le choix de ce dernier (et qu’il ne soit pas obligatoire / coercitif).

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