[FR][Série Matières premières] Des ressources Stratégiques - Episode 2

abhc (34)in #fr • 7 years ago (edited)

Bonjour à tous, voilà l'épisode 2 de cette série sur les matières premières. Une fiction sert de complément et de fil conducteur à l'analyse. Prenez-ça comme une mise en situation dont le but est d'illustrer les conséquences possibles d'une pénurie (locale ou non) de matières premières.

Les textes "cités" correspondent à la partie fiction.

Retrouvez l'épisode 1 ici.

Le Sable

Vous allez rire, mais le sable est en voie de disparition. Le Sahara n'est pourtant pas un mirage. Et vous avez raison du sable il y en a beaucoup, mais tous les sables ne se valent pas.

Il est existe donc un "sable utile". C'est le sable qui permet de faire du béton, du silicium ou les vitres de vos fenêtres. Et je pense qu'il ne vous a pas échappé qu'aujourd'hui le béton est le matériau privilégié du BTP. Le sable est donc l'une des matières les plus exploitées au monde.
Le "sable inutile" est le sable composé de grains éoliens qui sont trop fins pour en faire quelque chose. En gros, cela correspond aux sables des déserts.
Nous ne pouvons transformer le sable des déserts qui est un problème pour les populations (notamment en Afrique subsaharienne) alors qu'il est nécessaire de transformer le sable de nos plages qui est un atout économique (tourisme) pour soutenir la demande en béton. L'équation est donc complexe.

Pour vous donner une idée, une simple maison c'est 200 tonnes de sable. Actuellement, des plages sont littéralement pillées en Afrique ou en Asie pour soutenir la demande mondiale en sable. Il existe même en Inde une mafia spécialisée dans l'exploitation illégale du sable [1].

Les pays, dont la France, qui essaient toujours de lutter contre le changement climatique globale prennent l'engagement de ne plus exploiter le sable sous-marin. De plus, la France qui dépend énormément de son industrie touristique, lutte fermement contre le pillage des plages qui commence à devenir récurrent sur tout le territoire national dans les années 2030. Les plages des pays les moins regardants ayant été mise à nu, le monde se trouve face à une pénurie de sable légale, ce qui là aussi fait monter les cours.

Le secteur du BTP s'effondre et suivant le dicton "si le bâtiment va tout va", la France s'enfonce un peu plus dans le marasme économique. L'exode rural des Français ne s'arrête cependant pas. Les Français s'entassent désormais dans des bâtiments anciens, souvent non rénovés suite à faillite de la plupart des artisans du BTP. Les survivants du secteur pratiquent des prix prohibitifs qui rendent l'accès à la rénovation possible seulement aux plus aisés.

L'efficacité énergétique de ces bâtiments étant faible la consommation d'énergie augmente et met le système d'approvisionnement au bord de la rupture.

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Terres Rares

Restons dans le domaine de l'électronique et parlons des terres rares. Selon Wikipédia les terres rares sont :

"[...] un groupe de métaux aux propriétés voisines comprenant le scandium ~21~Sc, l'yttrium ~39~Y, et les quinze lanthanides."

Les terres rares sont des ressources essentielles utilisées dans la majorité des composants électroniques ou encore dans les aimants permanents des éoliennes (Néodyme) [2]. Mais ils ont l'inconvénient d'être très dispersés à la surface de la planète et d'être complexes à extraire.

Les pays qui disposent des plus grandes réserves de terres rares sur leur territoire national sont la Chine (37% des réserves mondiales), le Brésil (18%) et la Russie (15%). La Chine est aussi le premier producteur mondial avec 80,8% de la production mondiale en 2017 [3].

D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si une grande partie des produits électroniques sont produits en Chine (et notamment dans la région de Shenzhen, province du Guangdong et frontalière de Hong Kong). C'est le résultat d'une stratégie très réfléchie de remontée de filière.
Malgré leur quasi-monopole, les Chinois continuent leur offensive sur les terres rares en asphyxiant les mines étrangères avec une politique de prix agressive, ou en les rachetant. Récemment, ils ont même acheté la totalité de la production à venir d'un mine [4] ! Il reste ainsi peu de mines qui ne sont pas sous emprise chinoise.
Pour l'anecdote, La Corée du Nord dispose également de réserves de terres rares qu'elle revend à la Chine, l'un de ses seuls partenaires commerciaux [2] [5].

La demande en terre rare augmentant sans cesse, ces matériaux sont également en tension.

Dans les années 2030, les gisements de terres rares situés en dehors de Chine s'épuisent petit à petit. Les rares mines indépendantes ont fini par être asphyxiées par les minerais à bas prix déversés sur le marché par les Chinois et ont mis la clé sous la porte ... pour être rachetées à prix cassés par des entreprises d'État chinoises. Désormais seuls sur le marché, les Chinois montent les prix afin de tirer un meilleur profit des leurs réserves.

En dehors de la Chine, les prix de l'électronique explosent. La Chine qui détient le monopole de l'extraction de terres rares et un quasi-monopole sur la production de composants électroniques déclenche régulièrement des situations de pénurie dans les pays avec lesquelles elle est en conflit.
L'hyperpuissance américaine cède sa place à l'hyperpuissance chinoise.

La France stoppe tous ses chantiers d'infrastructures de production électrique en cours de construction. Les aimants au néodyme (un terre rare) sont devenus trop chers de même que l'électronique de pointe nécessaire aux centrales nucléaires de type EPR. Le pays organise des coupures d'électricité localisées pour éviter une coupure générale de la fourniture d’électricité.

Uranium

L'uranium est une matière première aussi importante que le pétrole pour les pays, comme la France, où le mix énergétique repose en grande partie sur l'électricité nucléaire. En effet, il n'y a aucune ressource en uranium disponible sur le territoire national. La France s'approvisionne donc au Niger via Orano (Ex-Areva ou pour les plus vieux Ex-Uramin) [6]. Or, il se trouve que le Niger n'est pas un pays que l'on peut qualifier de stable. Mais c'est une ancienne colonie française donc on peut supposer que l'État joue sur ce qu'on a coutume d'appeler la Françafrique pour maintenir l'approvisionnement en uranium. Si jamais la France perdait le contrôle des mines d'uranium du Niger, elle se retrouverait dans une situation fort inconfortable :

Le démantèlement de réseaux de corruption liés à la Françafrique au Niger crée des tensions postcoloniales avec la France. Sous la pression de sa population, le gouvernement nigérien nationalise les mines d'Orano. Et stoppe l'approvisionnement de la France en uranium. La Chine, dont une partie du parc nucléaire a été construit par Areva puis EDF, se positionne comme le nouveau partenaire privilégié du Niger. Orano fait faillite.

Les centrales nucléaires françaises se retrouvent massivement à l'arrêt. Des millions de Français se retrouvent sans électricité. Le Gouvernement abandonne ses positions en faveur de la lutte contre le changement climatique et redémarre les centrales thermiques. Pour les alimenter, la France importe massivement du pétrole et du gaz. Elle doit creuser sa dette pour régler ses achats hebdomadaires d'hydrocarbures.
Les services TGV s'interrompent et la SNCF qui depuis la libéralisation du rail n'exploite plus que les gares et les lignes grande vitesse doit elle aussi déposer le bilan. L'interruption des lignes TGV sonne le glas de l'industrie touristique française. Les étrangers ne viennent plus et les Français abandonnent l'habituelle transhumance estivale dans le but d'économiser de l'essence.

Le Japon disposant de centrales fonctionnant au MOX, un combustible nucléaire exclusivement produit dans l'Hexagone et issu du retraitement de l'uranium déjà utilisé dans les centrales hexagonales se retrouve également en difficulté [7].

La nation se retrouve très affaiblie militairement. Tous les navires à propulsion nucléaire (sous-marins et porte-avion Charles de Gaulle) sont mis en cale sèche. L'armée n'a plus les moyens de mettre en oeuvre sa stratégie de dissuasion nucléaire.

##Les Hydrocarbures

Le pétrole et le gaz causent de façon récurrente des guerres, comme la guerre de Libye que j'évoquais dans l'épisode 1. C'est normal, ces deux hydrocarbures sont encore essentiels pour la production d'électricité. Le pétrole et ses dérivés alimentent la majorité des moteurs de notre parc automobile, mais aussi les trains (en France certains TER utilisent encore une propulsion diesel ... même sur des lignes électrifiées), avions et navire-porte-conteneurs.
C'est aussi l'élément nécessaire à la plasturgie, c'est-à-dire la création de matière plastique. Plastique qui est omniprésent dans notre quotidien.

Un arrêt de la fourniture de pétrole signifierait plus de chauffage dans certains foyers, plus de mobilité, plus de production et plus de ravitaillement en biens de consommation produits alimentaires d'importation compris. Pour le dire simplement à l'heure actuelle, ce serait une catastrophe. C'est pourquoi la France et la plupart des pays industrialisés disposent de réserves stratégiques de pétrole dans le but de tenir plusieurs semaines voire plusieurs mois sans approvisionnement en hydrocarbures.

La fourniture d'hydrocarbures s'effectue dans la plupart des cas via les différents pipelines qui parcourent le globe. D'ailleurs, le trajet d'un pipeline est très politique. C'est une opportunité de développement pour un pays client et pour le pays producteur une occasion de créer un lien de dépendance envers lui.

Une fois ce lien de dépendance effectif il est facile d'utiliser la fourniture d'hydrocarbures comme une arme ou mesure de rétorsion. C'est exactement ce que la Russie a fait contre l'Ukraine dans le cadre du conflit larvé en cours entre les deux pays [8].

Les USA dans une vaine tentative de reconquérir leur puissance passée font monter les tensions entre d'un côté l'OTAN et la Russie et la Chine de l'autre.
Cette stratégie entraine des mesures de rétorsion contre les pays de l'OTAN. Ainsi la Russie arrête l'approvisionnement de l'Europe en pétrole et en gaz. La France est à genoux. Il ne lui reste que le gaz naturel provenant d'Algérie pour produire de l'électricité. L'armée française très affaiblie est incapable d'agir. L'armée est déployée sur tout le territoire national pour maintenir l'ordre.

Après les TGV, ce sont donc les avions qui ne circulent plus et les liens entre la Métropole et les collectivités d'outre-mer sont distendus. Des troubles y apparaissent que les troupes de la Marine déployées en outre-mer contrôlent tant bien que mal.

Le Niger très actif diplomatiquement contre la France depuis l'expropriation d'Orano s'arrange pour étendre les tensions postcoloniales à l'ensemble des anciennes colonies d'Afrique de l'Est et du Nord. L'Algérie cesse alors de fournir du gaz naturel à la France continentale.

La Métropole se soulève à son tour. C'est le début de la seconde Révolution Française

Des solutions ?

Nous l'avons vu les pénuries pourraient tout à fait déstabiliser un pays comme la France ou tout simplement modifier drastiquement nos modes de vie. Alors comment pouvons-nous limiter les risques de pénurie ?

La première idée serait de chercher de nouveaux gisements, mais choisir cette voie c'est endommager notre environnement encore plus qu'il ne l'est déjà.
Pour éviter cet écueil, des entreprises se tournent vers l'espace. Ce n'est donc pas un hasard si le secteur spatial privé se développe de façon importante. Pour l'instant, nous assistons seulement à la première phase : développer des moyens de transports interplanétaires abordables. Une fois, cet objectif remplis ces entreprises pourront se projeter vers l'exploitation des ressources de Mars ou de la ceinture d'astéroïdes. Les USA ont déjà mis en place une doctrine se basant sur une faille du Traité de l'Espace pour pouvoir s'approprier les matières premières disponibles dans l'espace via leurs entreprises. Le Luxembourg a également adopté cette doctrine.

L'amélioration des procédés d'extraction pourrait nous permettre d'extraire un peu plus. Il serait également judicieux d'optimiser nos productions de matières transformées. C'est à dire, produire la même chose, mais en utilisant le moins possible de ressources.

Les producteurs de biens de consommation devrait également être encouragés à fournir des produits réparables afin de mettre fin à l'obsolescence programmée. Favoriser les produits modulaires serait également une bonne solution pour accomplir cet objectif.

Instant promo : Moi et mon collègue @gspohu, développons un PC portable modulaire (Open Computer). Si vous désirez en savoir plus consultez la vidéo et n'hésitez pas à nous suivre sur steemit ou nos autres médias et sur notre site (en chantier).

Cependant, il s'agit dans tous les cas de "reculer pour mieux sauter". Pour établir un système pérenne le plus important serait encore d'enfin mettre en place un véritable système de recyclage. En effet, les matières premières sont globalement peu recyclées. Les filières de recyclage pour certains minéraux n'existent même pas encore. Elles sont tellement peu recyclées que certains utilisent le terme "gisement" pour parler des matières premières réutilisables disponibles dans nos égouts ou dans les sites d'enfouissements.

Dans la suite de cette série, je vais m'intéresser à l'impact environnemental de l'exploitation des matières premières que j'ai abordé assez superficiellement ici.