[Roman original] Le silence des sept sceaux XVIII

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Lefebvre remonta en vitesse à l’étage. Boisvert le fit passer la zone sécurisée et il le fit entrer dans une petite pièce adjacente à celle de l’interrogatoire. Un technicien portant des écouteurs était assis à un petit bureau devant une vitre sans teint. L’homme travaillait sur un ordinateur et s’assurait de l’enregistrement de la séance.
Boisvert retira son veston, referma un dossier sur la table (d’un coup d’œil rapide Lefebvre put voir que le suspect s’appelait Metka Leonard) avant de l’emporter et d’ouvrir la porte menant à la petite salle blanche où le suspect attendait. L’officier de la SQ se présenta, mais le petit homme chauve semblait ne pas le voir. Le suspect fixait un point invisible dans le mûr en face de lui. Boisvert jeta un coup d’œil et se rassura en notant qu’en effet, il n’y avait rien.
― On sait que tu as incendié l’église, dit Richard.
Le chauve ne réagit pas.
― Regarde le gros, y’a deux façons de faire, soit tu me dis ce que je veux savoir, soit je te mets direct en prison avec les mastodontes qui font se faire un plaisir de s’occuper de ton ti-cul, continua Boisvert.
Mais tout cela ne semblait pas du tout l’émouvoir. Il devait se dire qu’il n’avait pas assez de preuves contre lui, se dit Lefebvre.
― On a trouvé un rasoir sur toi, dit Boisvert, et avec du sang d’un policier tué en début de soirée, bluffa Boisvert qui n’avait pas encore reçu les analyses sanguines.
Cette fois, le chauve aurait dû manifester un signe quelconque, il n’avait aucune chance de s’en tirer, mais il ne réagit toujours pas. Il n’eut même pas un sourire de satisfaction à l’évocation de son meurtre. Cette fois, Lefebvre comprit que cet homme souffrait du syndrome de la cause. Il n’était rien comparé aux desseins qu’il servait. Il ne dirait rien, Boisvert perdait son temps.
Ce dernier portant essaya une nouvelle fois de faire réagir le suspect. Il ouvrit le dossier qu’il avait pris avec lui et en sortir une photo. C’était une photo d’Anna. Elle était plus jeune et en maillot de bain. La jeune autrichienne avait beaucoup moins de gras autour de la taille là-dessus et exprimait un sex-appeal qu’on ne lui aurait pas reconnu aujourd’hui.
L’homme au crâne dégarni ne réagit toujours pas. Boisvert sortit alors la deuxième photo, celle de Marc. Metka baissa les yeux et prit enfin vie. Il hurla en reconnaissant les traits du blondinet. Il cria des mots incompréhensibles à un Boisvert médusé. Puis, Metka se leva, menotte au poing, et se mit à répéter ces vers en latin :

Crux sancta sit mihi lux / Non draco sit mihi dux
Vade retro satana / Numquam suade mihi vana
Sunt mala quae libas / Ipse venena bibas

Boisvert dans la salle d’interrogation n’y comprenait rien. Lefebvre, par contre, qui avait fait des études classiques comprenait chaque mot qui sortait de la bouche du jeune homme. Ce n’était pas tant qu’il maîtrisait à ce point le latin, mais plutôt que la formule bénédictine était maintenant connue de tous. Boisvert sortit de la salle visiblement découragée. « Laisse la sainte croix être ma lumière, ne laisse pas le dragon être mon guide, retourne d’où tu viens Satan, ne me tente pas de vaine chose, ce que tu m’offres est diabolique, bois toi-même le poison! » traduit approximativement Lefebvre.
Celui qui avait semblé être imperturbable depuis le début de l’interrogatoire était maintenant terrorisé. Lefebvre devina que quelque chose ne s’était pas passé comme il l’avait voulu. Le coroner comprenait lentement de quoi il était question. Un souvenir revint à sa mémoire. Ce n’était pas la première fois qu’il entendait ces mots. Sans rien dire à Boisvert, Lefebvre quitta la salle et se rendit aux archives.
― Je sais ce que je veux maintenant, dit Lefebvre au stagiaire.
Le jeune employé le regardait gêné.
― L’oratoire St-Joseph en 1985!