PAPOUASIE NOUVELLE GUINEE #4: Il était une fois l'exploration sous-marine...!

Que ceux qui le peuvent s'en rappellent... Il fut un temps où nos yeux s'émerveillaient devant les toutes premières images des Aventures du Commandant Cousteau. Ce temps, où tout était encore à découvrir dans un monde dont l'accès devenait enfin possible, n'est pas si éloigné. Des milliers de kilomètres de côtes étaient alors à explorer, des centaines d'espèces nouvelles étaient à découvrir, et des paysages sous-marins vierges restaient à défleurir par l'introduction des bulles de nos premiers scaphandres autonomes. De quoi occuper nos esprits d'explorateurs pour plusieurs siècles, aurait-on pu penser... Cela était sans compter sur notre incroyable machine économique, laquelle s'est emparée de la plongée d'exploration, pour en faire de vrais parcours guidés, légiférés, et survisités. Si bien que désormais, bien peu de pays peuvent se targuer de posséder, encore à ce jour, des fonds sous-marins où les mots "exploration sous-marine" aient gardé tout leur sens. La Papouasie Nouvelle Guinée fait partie de ces rares pays. Un pays immense, comptant des régions totalement isolées, des atolls perdus, des îles inhabitées, et une histoire de guerre, qui permettent encore, à quelques plongeurs autonome et passionnés d'exploration, de se livrer à leur activité favorite.

Une guerre... La Guerre, qui par le jeu des colonies est venue ici, en plein Pacifique, occuper les terres et mers de Papous Néo-Guinéens n'ayant jamais vu l'Europe, et se donner aux plus grandes batailles navales et aériennes de l'Histoire. Soixante cinq ans plus tard, les restes de cette guerre restent bien apparents. Combien de carcasses d'avions abîmés, de bases militaires abandonnées, de routes et ponts jamais rénovés, sont encore visibles dans la majeure partie des îles et zones côtières du pays... Sous l'eau, le bilan est encore plus impressionnant. Epaves de porte-avions, sous-marins, cargos réquisitionnés, avions coulés, batteries de munitions abandonnées, frégates et autres vaisseaux militaires se comptent par centaines. Chaque village, même isolé, connait une histoire de crash aérien ou de navire perdu que les locaux se font un plaisir de signaler aux visiteurs. Mais l'histoire est toujours bien mieux gardée au fond des océans. Certaines épaves n'ont jamais été retrouvées et n'éveillent pas véritablement l'intérêt local. Un vrai terrain de jeu pour explorateur passionné d'histoire et de plongée. Rod, un australien retraité, ayant grandi à Rabaul (au Nord de la Nouvelle Bretagne), a passé sa vie de plongeur à rechercher les épaves d'avions du pays. "Quand je m'arrête devant les villages, je demande toujours aux anciens s'ils n'ont pas de vieilles histoires de guerre". C'est de cette façon qu'il a pu localiser des dizaines d'épaves, et remonte régulièrement à la surface, mitraillettes, munitions, casques, hélices et autres vestiges de guerre, pour en faire don au musée local. A Jacquinot Bay (Nouvelle Bretagne), le village de Sallel a connu son épisode de guerre. C'est d'ici qu'ont décollé les avions américains partis reprendre Rabaul aux japonais en 1942. Tous les habitants connaissent cette histoire d'avion nippon venu contrattaqué mais rapidement abattu par les américains. "L'épave est quelque part devant le village de Baen", m’indique Ignitius, représentant coutumier. Après une petite recherche en surface, l'épave se révèle bien être à l'emplacement indiqué. Un A20 japonais, pris par le corail, dont on peut encore reconnaitre les emplacements des deux pilotes, les deux ailes intactes, et quelques objets divers comme un support à extincteur ou une manette de contrôle. Plus insolite, les bombes transportées par l'avion sont posées à quelques mètres dans les vagues du récif. L'accès est difficile et pas vraiment rassurant... Je fais les photographies que Rod m’a demandé en vu d’écrire son livre. Cela lui fera un chapitre de plus à raconter, et nous permettra de parler de tout cela devant une bonne bière. En sortant de l’eau, voyant que j’exprime beaucoup d’intérêt pour ce genre d’aventure, mon guide me raconte une autre histoire dont les anciens ont rapporté le témoignage, et qui concernerait plusieurs avions qui se seraient échoués en mer, "par là-bas...", en pointant du doigt le milieu de la baie qui s'enfonce à plusieurs centaines de mètres de profondeur... Ce sera peut-être pour d'autres explorateurs mieux équipés...! Mais de toute vraisemblance, beaucoup d'histoires de guerre sont encore à remonter à la surface...

Le lagon de Kavieng a lui aussi connu sa période de guerre. Un labyrinthe d'îles, lequel était à l'époque peu ou pas cartographié, qui fut le théâtre de nombreuses batailles. Tous les moyens sont bons pour surprendre l'ennemi. Ce petit sous-marin japonais d'une trentaine de mètres a surpris son lot de navires américains par la discrétion de sa modeste taille. Ponté sur un gigantesque cargo pour un retour au pays, un B25, bombardier bimoteur de l'armée US, vint venger les siens en déchargeant sa cargaison et noya sous-marin, cargo et équipage devant l'île de Danou. "On m'a dit qu'il était à 20m sur la droite du vaisseau", indique Phil, chef coutumier de Danou Island, en désignant l'épave du cargo visible à quelques mètres sous la surface. La recherche est compliquée par une eau trouble qui ne laisse que trop peu de visibilité. Après une demi-heure de tâtonnement autour du cargo, j’hésite à renoncer puis m’entête de nouveau en partant du principe que Phil se soit trompé… Je retrouve l'épave du sous-marin à l'opposé de l'endroit indiqué ! Par 20m de fond vaseux, l'épave tubulaire est parfaitement conservée. L'étroitesse de l'écoutille d'entrée décourage immédiatement la visite de l'intérieur du bâtiment. A l'avant, les deux fûts des lance-torpilles sont encore bien visibles. A l'autre bout, l'hélice de propulsion est elle, encore intacte grâce à ce sol vaseux idéal pour la conservation des épaves. Combien d'épaves, la mer de Bismarck garde-t-elle encore cachée...?