Régulation transcriptionnelle du rétrotransposon copia de Drosophila melanogaster - quatrième partie

in #steemstem6 years ago (edited)

Dans cette quatrième partie, nous allons avancer (toujours dans le chapitre 1 de l'Introduction) avec le sous-chapitre dédié à la histone H1, au chromatosome et à la fibre de chromatine de 30nm avant de s'intéresser aux structures d'ordre supérieur en commençant par les MARs et les SARs.

Pour ceux qui veulent lire depuis le début, la première partie est ici: Régulation transcriptionnelle du rétrotransposon copia de Drosophila melanogaster - première partie

Pour ceux qui veulent un peu de contexte à cette thèse, je le fournis dans cet article: Ma thèse de doctorat en biologie moléculaire - les débuts

Histone H1, chromatosome, fibre de chromatine de 30 nm

L'histone H1 est présente dans le noyau avec une stœchiométrie d'environ une molécule par nucléosome (pour une revue, Widom, 1998). Son association avec l'ADN est plus faible que celle des histones centrales. A faible force ionique, elle peut changer de position ou être décrochée de la chromatine plus facilement que les histones centrales.

Il existe plusieurs variétés d'histone H1, comme par exemple celle appelée H5, spécifique des érythrocytes.

En l'absence de l'histone H1, la chromatine se condense d'une manière différente, ne formant plus les fibres de 30 nm, ce qui suggère qu'elle contribue au choix d'un état compacté parmi plusieurs qui peuvent être atteints en son absence. Des phosphorylations spécifiques de l'histone H1 sont corrélées avec des niveaux de condensation encore plus importants durant la mitose (Widom, 1998).

Néanmoins, il apparaît que ces fonctions ne la rendent pas indispensable : le génome de la levure ne contient qu'une seule région codante présentant des homologies avec le domaine globulaire des protéines H1 des eucaryotes multicellulaires et la délétion ciblée de ce gène conduit à des cellules viables. Chez la Drosophile, l'histone H1 n'est pas présente dans la chromatine durant le développement embryonnaire.

L'histone H1 contacte l'ADN par un domaine globulaire central d'environ 80 acides aminés qui est entouré de deux domaines basiques, un court en N-terminal et un plus long en C-terminal.

La structure des domaines globulaires des histones H1 et H5 (que nous appellerons GH1 et GH5 respectivement) a été déterminée. Ils font partie de la classe de domaines de liaison à l'ADN appelés à "hélice ailée", dans laquelle se retrouvent les domaines de liaison à l'ADN de plusieurs facteurs de transcription, comme par exemple le Hepatocyte Nuclear Factor (HNF)-3gamma humain. Une propriété importante des domaines GH1 et GH5 est leur capacité à contacter l'ADN en deux points.

Deux autres données expérimentales contribuent à mieux éclairer le mécanisme d'interaction de l'histone H1 avec l'ADN : l'histone H1 montre une préférence pour les plasmides super enroulés par rapport à l'ADN linéaire ou relâché, et de plus elle montre une affinité particulière pour certaines structures altérées de l'ADN, comme les jonctions quadripartites (Krylov et al., 1993).

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Figure 11 : Schéma du positionnement du GH1 (cercle prune) par rapport au nucléosome (uniquement l'ADN est montré), dans la masse de la chromatine ("bulk model", voir Thomas, 1999 pour plus de détails).

Les jonctions quadripartites (4H DNA) sont des molécules d'ADN synthétiques communément utilisées pour étudier les jonctions de Holliday qui apparaissent in vivo comme intermédiaires pendant la recombinaison. A cause des similarités structurales, il a également été proposé (Lilley, 1992) que les 4H DNA ressemblent aux doubles hélices d'ADN convergeant aux points d'entrée et de sortie des nucléosomes.

La présence de l'histone H1 (ou ses variétés, comme H5, ou seulement leurs domaines globulaires GH1 et GH5) en plus de l'octamère protège d'une digestion par la nucléase micrococcale environ 20 pb d'ADN de plus que l'octamère seul et définit ainsi une sous-unité structurale appelé chromatosome.

Cependant, dans plusieurs cas, la mesure de la longueur d'ADN moyenne par nucléosome pour un génome entier conduit à des valeurs inférieures à 165 pb, ce qui suggère que le chromatosome n'est pas l'unité fondamentale de structure de la chromatine.

Les nucléosomes sont séparés par des segments d'ADN d'environ 40-50 pb mais ne sont pas distribués au hasard. Leur positionnement joue un rôle important dans la régulation transcriptionnelle. La flexibilité de l'ADN, qui dépend de la séquence, est un des facteurs qui influencent ce positionnement, qui n'est pas toujours statique (Flaus et Richmond, 1998; Meersseman et al., 1992).

Il a été montré que la position des chromatosomes sur l'ADN était également influencée par sa séquence (Travers et Muyldermans, 1996). La position de l'histone H1 par rapport au nucléosome (figure 11) a constitué l'objet d'études dont les résultats ont été différents suivant le système étudié (pour une revue, Thomas, 1999).

Récemment (Zhou et al., 1998), la position du domaine GH5 sur le nucléosome dans la masse de la chromatine a été déterminée. Il apparaît que la liaison se fait de manière asymétrique, près du point d'entrée et de sortie de l'ADN du nucléosome et à l'extérieur de celui-ci.

Plusieurs détails restent à clarifier dans le processus d'assemblage de la fibre de chromatine de 30 nm. Les données actuelles concernant son architecture ne permettent pas de trancher entre deux classes de modèles.

Dans les modèles solénoïdaux, l'ADN faisant la liaison entre deux nucléosomes est recourbé et amène les nucléosomes successifs à proximité (Butler et Thomas, 1998).

En revanche, dans les modèles en zigzag, l'ADN situé entre deux nucléosomes n'est pas tordu et les nucléosomes successifs ne sont pas plus proches voisins (Bednar et al., 1998; figure 10). Ces derniers modèles ont l'avantage de pouvoir rendre compte des données sur la topologie de la chromatine.

I.3.2 Vers les structures d'ordre supérieur

Le mode de compactage de l'ADN au delà de la fibre de 30 nm est beaucoup moins bien caractérisé et est appelé génériquement "d'ordre supérieur". Parmi les facteurs l'influençant on compte la force ionique locale, l'histone H1, les domaines amino-terminaux des histones centrales ainsi que d'autres protéines.

MARs/SARs

Des grandes boucles d'ADN mesurant de 10 à 100 kilobases (kb) de long apparaissent en microscopie électronique attachées à un échafaudage nucléoprotéique. Les séquences d'ADN servant de points d'ancrage sont appelées SARs (Scaffold Associated Regions) ou MARs (Matrix Associated Regions).

Les SARs sont des séquences de taille variable (de 0,6 kb à plusieurs kilobases), très riches en A et T (Mirkovitch et al., 1984). Leurs interactions spécifiques avec les protéines formant l'échafaudage nucléaire semblent dépendre surtout de leurs caractéristiques structurales, comme le rétrécissement du petit sillon et la courbure intrinsèque des suites de A, plutôt que de la séquence précise des bases.

Ces interactions sont à la base de nombreux aspects de la dynamique des chromosomes comme par exemple la condensation pendant la mitose (Strick et Laemmli, 1995).

Les SARs se retrouvent souvent à proximité de séquences jouant un rôle particulier dans le contrôle de l'expression des gènes comme les "isolateurs" (Nabirochkin et al., 1998); voir le chapitre II.2.1), ou les éléments activateurs ("enhancers", voir le chapitre II.3.1) et cette association est, au moins dans certains cas, relevante pour la création de structures de contrôle de la transcription (Jenuwein et al., 1997).

Une des protéines les plus abondantes dans le noyau, la topoisomérase II, est majoritairement localisée au niveau des séquences SAR (Earnshaw et Heck, 1985; Adachi et al., 1989), où elle fait partie de l'échafaudage nucléoprotéique.

Dans le noyau, différentes régions de la chromatine présentent des degrés de condensation variés. L'architecture nucléaire varie en plus en fonction du type tissulaire, du niveau de différenciation cellulaire et du cycle cellulaire.

Pendant la métaphase de la mitose, par exemple, la chromatine se trouve dans un état très condensé où la transcription est interrompue. L'observation au microscope des chromosomes avait mis en évidence l'existence d'une partie de la chromatine (représentant généralement 10-20 %, mais dépassant 30 % chez la Drosophile, (Weiler et Wakimoto, 1995) qui ne se décondensait pas après la mitose et qui a été appelée hétérochromatine, pour la différencier du reste de la chromatine nommé euchromatine.

Dans la cinquième partie nous allons aborder plus en détail l'hétérochromatine et l'euchromatine avant de tourner notre attention vers les protéines chromosomiques structurales, "non-histones".

Pour ceux qui veulent relire la troisième partie, voici un lien direct

Adachi, Y., Käs, E., and Laemmli, U.K. (1989). Preferential, cooperative binding of DNA topoisomerase II to scaffold-associated regions. EMBO J. 8, 3997-4006.

Bednar, J., Horowitz, R.A., Grigoryev, S.A., Carruthers, L.M., Hansen, J.C., Koster, A.J., and Woodcock, C.L. (1998). Nucleosomes, linker DNA, and linker histone form a unique structural motif that directs the higher-order folding and compaction of chromatin. Proc.Natl.Acad.Sci.USA 95, 14173-14178.

Butler, P.J.G. and Thomas, J.O. (1998). Dinucleosomes show compaction by ionic strength, consistent with bending of linker DNA. J.Mol.Biol. 281, 401-407.

Earnshaw, W.C. and Heck, M.S. (1985). Localization of topoisomerase II in mitotic chromosomes. J.Cell Biol. 100, 1716-1725.

Flaus, A. and Richmond, T. (1998). Positioning and stability of nucleosomes on MMTV 3LTR sequences. J.Mol.Biol. 275, 427-441.

Jenuwein, T., Forrester, W.C., Fernandez-Herrero, L.A., Laible, G., Dull, M., and Grosschedl, R. (1997). Extension of chromatin accessibility by nuclear matrix attachment regions. Nature 385, 269-272.

Krylov, D., Leuba, S.H., van Holde, K.E., and Zlatanova, J. (1993). Histones H1 and H5 interact preferentially with crossovers of double-helical DNA. Proc.Natl.Acad.Sci.USA 90, 5052-5056.

Lilley, D.M. (1992). DNA-protein interactions. HMG has DNA wrapped up. Nature 357, 282-283.

Meersseman, G., Pennings, S., and Bradbury, E.M. (1992). Mobile nucleosomes - a general behaviour. EMBO J. 11, 2951-2959.

Mirkovitch, J., Mirault, M.-E., and Laemmli, U.K. (1984). Organization of the higher-order chromatin loop: specific DNA attachment sites on nuclear scaffold. Cell 39, 223-232.

Nabirochkin, S., Ossokina, M., and Heidmann, T. (1998). A nuclear matrix/scaffold attachment region co-localizes with the Gypsy retrotransposon insulator sequence. J.Biol.Chem. 273, 2473-2479.

Thomas, J.O. (1999). Histone H1 : location and role. Curr.Opin.Cell Biol. 11, 312-317.

Travers, A.A. and Muyldermans, S.V. (1996). A DNA Sequence for Positioning Chromatosomes. J.Mol.Biol. 257, 486-491.

Weiler, K.S. and Wakimoto, B.T. (1995). Heterochromatin and gene expression in Drosophila. Annu.Rev.Genet. 29, 577-605.

Widom, J. (1998). Chromatin structure: Linking structure to function with histone H1. Current Biology 8, R788-R791

Zhou, Y.B., Gerchman, S.E., Ramakrishnan, V., Travers, A., and Muyldermans, S. (1998). Position and orientation of the globular domain of linker histone H5 on the nucleosome. Nature 395, 402-405.

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