« Candide ou l’optimisme » pour ouvrir la saison du TNM à Montréal
Les guerres, les tueries, la famine, les viols, les assassinats, les pillages et les désolations en tout genre, à quoi s’ajoutent les tremblements de terre, les raz de marée et tous les malheurs du monde qui anéantissent sans distinction les bons et les mauvais, les vieillards et les enfants… En philosophe du tragique, Montaigne aurait dit qu’il nous reste la joie, celle de vivre ou d’exister tant que l’on peut. Pour Candide de Voltaire, ou plutôt pour le maître du jeune homme dans le roman, le philosophe Pangloss, « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles… ».
Si la phrase semble ironique, et elle l’est, on ne peut nier qu’elle soit quand même vraie. Car il n’y a pas d’autre monde. Il n’y a que celui-ci…
C’est exilé à Ferney, dans un château en ruine plus proche de la Suisse que de Paris, que Voltaire compose ce qui est sans nul doute son chef-d’œuvre, le conte philosophique intitulé Candide. Le texte est publié en 1759 à Genève sous le pseudonyme de M. Ralph en prétendant qu’il s’agirait d’une traduction de l’allemand. Dans cette œuvre légère en dépit de son contenu des plus graves, Voltaire s’attaque aux militaires, aux jésuites, aux bigots, aux savants …, à tous les pédants qui, dans leurs croyances qu’ils cherchent à imposer aux autres, prétendent avoir des solutions pour remplacer le monde.
Dans le *Candide *de Voltaire, le jeune homme qui n’est pas un vrai noble, mais l’enfant de la sœur du baron de Thunder-ten-tronckh, est un garçon naïf, blanc et de bonne foi, comme l’indique l’étymologie de son nom, et il a pour professeur le philosophe Pangloss qui répète à l’envie que ce monde est le meilleur possible. Candide est amoureux de sa cousine Cunégonde et le baiser qu’il lui donne lui vaut d’être chassé du château de son enfance. Le voilà enrôlé de force dans les troupes bulgares, témoin de guerres horribles, et sa fuite lui fait ensuite parcourir le monde à la recherche de son aimée et du bonheur.
Candide ou l’optimisme © Yves Renaud
Dans Candide ou l’optimisme, l’auteur Pierre-Yves Lemieux propose une adaptation du roman de Voltaire à la scène. Mais plutôt que de résumer le récit et de tenter de rendre tous les voyages du héros sur la planète, il recourt à une astuce brillante qui est de faire travailler l’entourage de Voltaire sur le texte qu’il a écrit, en le jouant, en le révisant, en coupant des passages ou en en ajoutant d’autres. Voltaire devient un personnage de la pièce (superbement interprété par Emmanuel Schwartz), et tous ses gens, parmi lesquels son jeune valet (magnifique Benoît Drouin-Germain) qui se transforme en un Candide très réussi, se voient attribuer une multitude de rôles, en vue de parfaire l’œuvre dont Voltaire est l’auteur.
C’est aussi cette astuce qui permet, dans les décors du château en ruine où vit Voltaire avec ses gens (des décors toutefois très beaux et très bien pensés) de faire jouer l’imagination des protagonistes et, par là même, celle des spectateurs, pour rendre les différentes situations auxquels les personnages font face. La table se transforme en pirogue ou en ponton pour descendre d’un navire, les vêtements en divers animaux, les chaises en masques de rituels anthropophages… En fond de scène, un écran géant permet aussi des projections vidéo, mais là encore leur facture abstraite permet de ne pas remplacer le texte par des images. Et tout cela fonctionne parfaitement bien. Dans la pièce, les acteurs amateurs que prétendent être les gens qui forment l’entourage de Voltaire, s’ils ont quelques rôles bien attribués du roman, en interprètent bien d’autres encore avec une grande aisance et sans que le spectateur ne soit jamais perdu.
Dans cette adaptation, les aventures de Candide s’enrichissent d’un conte-cadre. Si la première partie est très belle et pose bien la situation de la pièce, la dernière m’a semblé un peu longue et ne pas aider suffisamment à la compréhension philosophique de l’œuvre. Mais cela ne retire rien aux qualités de la pièce où l’on rit beaucoup des situations burlesques ou d’humour noir propres au récit de Voltaire, et le récit du Candide, dans cette adaptation, donne énormément à penser sur le monde et ceux qui prétendent savoir comment le changer, plutôt que de modestement tenter de l’améliorer un peu.
Candide ou l’optimisme, du 11 septembre au 6 octobre 2018 au TNM à Montréal
Une création pour la scène de Pierre-Yves Lemieux
d’après le roman de Voltaire
Mise en scène Alice Ronfard
Distribution Valérie Blais, Patrice Coquereau, Larissa Corriveau, Benoît Drouin-Germain, Emmanuel Schwartz
Informations : https://www.tnm.qc.ca/piece/candide-ou-loptimisme/
Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz
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