Je commence ici, un nouveau cycle d'article en Français. En effet, je vous partage mes coups de coeurs littéraires avec un décalage de quelques mois.

Nous vivons, actuellement, un emballement généralisé autour des crypto-monnaies qui pourrait éventuellement s’apparenter à un « cygne noir ». J’avais déjà écrit par le passé un article sur le sujet en anglais. Maintenant que j’ai décidé d’écrire en français la majorité de mes articles, je me devais de partager ici, l’un de mes coups de foudre intellectuel de 2017.
En 2007, il y a donc 10 ans, apparaissait en anglais d’abord, le « Cygne noir » de Nassim Nicola Taleb. L’auteur, Nassim Nicolas Taleb est un libanais vivant aux USA (libano-américain le mot juste). Ancien trader en bourse, il est depuis** écrivain et professeur à l’école Polytechnique** de New York. L’auteur développe en fait, avant l’apparition de l’une des plus grandes crises financières de tous les temps, une approche qu’il définit lui-même comme, non mathématique, du risque et émet un gros doute dans les modèles financiers utilisés par les universitaires.

Une Thèse

Dans son livre, l’auteur développe la thèse suivante :

Notre représentation du monde est erronée et
nous nous trompons lorsque nous l’observons.
Nous avons été bercés depuis notre tendre enfance par l’idée que des économistes ou des scientifiques puissent prévoir les évènements avec certitude grâce à la lois des probabilités. Or, il se peut que notre monde soit tout sauf prévisible, que l’histoire soit plutôt déterminée par des évènements imprévus mais que le caractère inattendu, surprenant et extraordinaire disparait dès lors que l’évènement est passé.
La dénomination de phénomène de « cygne noir » vient du fait qu’avant le XIXème siècle, découverte du premier cygne noir en Australie, on considérait tous les cygnes comme blanc et les cygnes noirs n’existaient pas et/ou étaient considérés comme quelque chose soit d’improbable soit relevant de l’anomalie. Aujourd’hui, l’existence des cygnes noirs n’a plus rien d’extraordinaire.
La disparition de l’effet extraordinaire et surprenant d’un évènement après les faits rend difficile d’admettre que le monde est en fait non prévisible. Vous vous trouvez quelque part dans le monde et vous lisez cet article, vous ne savez en aucune manière si vous allez le finir. Votre femme peut vous interrompre, vous allez prendre une correspondance ou votre téléphone n’arrête pas de sonner. La théorie du Cygne Noir consiste dans le fait que ces évènements sont improbables mais peuvent survenir, et à l’échelle du monde et de l’histoire, ce sont ces évènements (par après anecdotique) qui régissent l’histoire telle qu’elle nous est racontée.
Nassim Taleb tente d’opposer deux mondes ; le monde réel, qu’il appelle « Extremistant » et le monde raconté par les manuels (d’histoire entre autre) qu’il appelle « Mediocristan ». Le Mediocristan est la représentation du monde avec la courbe de Gauss. On ne prend en compte que les moyennes. C’est une représentation qui plaît aux économistes et aux scientifiques ; ils peuvent en tirer les raisonnements et les conclusions des plus élégantes. L'avenir y est prévisible.

La construction du livre

Le livre est construit autour d’une longue introduction et de trois parties dont je vous propose un petit résumé ci-dessous.
Introduction :
Nous vivons dans un monde incertain. Mais notre adoration (depuis Platon) pour les raisonnements, les formes pures et quasi parfaites nous mène en erreur : nous pensons que notre connaissance est sublimée par rapport à ce que nous savons en réalité. Si un évènement extraordinaire devient ordinaire, une fois survenu, notre esprit cherchera sans attendre les causes. Avec les questions suivantes : comment est-ce arrivé ? Pourquoi il n’était-il pas prévu ?

Ainsi, nous admettrons au bout d’un moment, à prosteriori
que l’évènement était prévisible alors qu’à priori personne n’y pensait.

1ière Partie : Visite de l’Extremistant et du Médiocristant
Le monde moderne a accentué les inégalités de ces deux mondes. Les êtres studieux et méthodiques sont nombreux dans le monde Médiocristan. Ils raisonnent dans des cadres qui leur ont été définis. C’est la bonne définition du technocrate. Autant dire que nous sommes dirigés par des gens issus du Médiocristant. Mais si la solution se trouve un jour en dehors de ce cadre imposé, alors ces technocrates ne seront que des idiots savants. Ils deviendraient d’un coup moins performants que les êtres fantaisistes qui raisonnent sans références aux cadres imposés de la pensée.

2ième partie : La prévision économique
Le monde de l’économie est bâti autour de grands noms nobélisés comme Paul Samuelson qui ont toujours tenté de faire de l’économie, une science dure et donc prévisible. Nassim Taleb les appelle Idiots Savants. Il nous explique dans ce chapitre pourquoi l’avenir n’est pas prévisible et pourquoi

nous tombons dans l’illusion que l’avenir sera toujours la prolongation du passé.
Nous ne pouvons jamais prédire la date de notre mort aussi précisément que la date de notre naissance.

3ième Parie : La réalité sous l’œil des Mathématiques
Il oppose dans ce chapitre la loi des grands nombres, avancée par Quételet (1796-1874) à l’idée de l’homme moyen représentée par Gauss (1777-1855). Il essaie de s’intéresser aux ensembles mathématiques qui reproduisent les mêmes figures à différentes échelles. Ainsi, la distribution inégale des richesses existe à tous les niveaux. C'est-à-dire que les personnes fortunées souffrent elles-mêmes d’inégalités.

Mon avis :

La lecture du Cygne noir a été la plus grande claque intellectuelle de cette année, Nassim Taleb a mis des mots sur des intuitions et sur mes observations empiriques. Comment cela se fait-il que de simples personnes, prenons l’exemple d’un chauffeur de taxi, aient des raisonnements plus justes concernant des faits d’actualité ou de l’histoire contemporaine que des spécialistes et représentants officiels ?
En fait, la distinction qu’il fait entre l’extremistan et le mediocristan apporte des réponses claires à la question. Les différents experts, dans leur volonté absolue de construire une narration cohérente afin d’une part , de tout expliquer de manière rationnelle, et d’autre part, de se donner l’illusion d’une nécessité d’existence, nous mènent en bateau. En effet, les mêmes experts qui n’ont pas vu arriver la crise de 2007, nous expliquent, pourquoi et comment elle est arrivée alors que le chauffeur de taxi lui avait tapé juste plus rapidement car il échappe à la construction narrative.

---

The sum of small efforts gives huge results
@siavach, happy steemian, photographer and salsa dancer
All my photographs are free right only on Steemit and Busy