Le début des illusions, la fin des rêves. 1/2

in #personal4 years ago

On est en 1998, je viens d'avoir douze ans et je suis encore un enfant, celui que nous sommes tous sans exception à un moment ou un autre de nos vies. Avec un peu de recul et aussi bien je m'en souvienne , certains aspects de ma personnalité à cette époque (manque affectif, manque paternelle, etc...) ou bien de mon entourage (séparation, contexte socio-économique) font déjà naître des questionnements en moi mais je peux dire avec certitude que je n'ai pas de problèmes particuliers à ce moment-la, du moins rien qui ne m’empêche d'avoir une vie d'enfant/d'adolescent comme les autres, pas même le contexte parfois difficile ou cette dépendance affective qui se traduit par l'envie irrépressible d'être aimé (et d'aimer en retour).

En cette même année 98, avec un de mes copains de classes nous décidons d'essayer de fumer, je ne saurais pas donner la raison de cette décision, mais je pense que nous étions simplement curieux et avions du temps à tuer alors nous nous sommes dit : on va le faire. Nous avons commencer par fumer du papier, du simple papier roulé avec rien à l'intérieur, que nous avons crapoté puis fumé, jusqu'à en devenir un peu malade. Bizarrement et même si nous n'en retirions aucune satisfaction, nous avons répété l'opération plusieurs fois, au point de se dire que c'était bien drôle de fumer du papier, mais que ça le serait encore plus si on s'achetait des vrais cigarettes.
Quelques jours/semaines plus tard, nous commencions à devenir des fumeurs, à cette époque la les tabacs ne se soucier guère de savoir qui venait acheter des paquets de cigarettes, et nous avions été conseillé par le buraliste lui-même qui a finir par nous tendre un paquet de cigarette de je ne sais quel marque en nous disant qu'elles étaient légères, donc plus facile pour commencer à fumer. Effectivement ces cigarettes la étaient bien légères, bien plus légères que le papier que nous avions fumé au préalable. Nous avons donc décidé de racheter un autre paquet, sans même avoir fini celui la et avions dorénavant un paquet de phillip moris tout à fait normal dans nos mains. Nous avons fumé notre clope, nous avions la tète qui tourné et sans même nous en rendre compte en quelques jours nous avions entièrement fini le paquet et l'effet du début, la tête qui tourne, ne fut rapidement qu'un souvenir.

Sur le coup je ne sais pas vraiment comme nous avons réussi à faire tout cela, je sais que mon copain lui avait les moyens et c'était lui qui payait les cigarettes, et on a réussi à ne jamais nous faire attraper par nos parents. Au cours de cette année moi et ma famille avons déménagé dans un des quartiers de Strasbourg, mais notre amitié était toujours intacte et nous pouvions facilement continuer à nous voir, ce que l'on a fait pendant quelques temps.

A l'été 99, nous sommes dorénavant des fumeurs, ok nous ne fumons pas un paquet par jour, pour ma part surtout par faute de moyen mais nous fumons régulièrement, quasiment à chaque fois que l'on se retrouve. Le peu d'argent de poche que je recevais à cette époque la me servait donc à m'acheter des paquets de 10 à 10 francs.

Un an plus tôt je ne savais pas ce qu'était la drogue, j'en avais déjà vu sans savoir ce que c'était mais impossible pour moi de différencier les substances, aussi bien la weed que le le shit, l'héroine ou la cocaine. Mais le fait d'habiter dans un quartier a changer la donne. J'ai vite appris ce qu'était le shit (le tcherno, l'aya), la weed, et un peu plus tard les substances plus dures comme la coke, l'héro ou l'extasy.

Lors d'une énième visite de mon copain à mon domicile, et curieux de faire une nouvelle expérience, je lui proposais que nous achetions du shit pour voir ce que ça faisait de fumer un joint. Le cap fut tellement facile à passer, nous n'avions quasiment rien à faire pour nous le procurer, parmi la vingtaine des grands (plutôt jeunes) de mon quartiers beaucoup vendaient déjà toutes sortes de choses, du shit à la cocaine en passant par des gameboy colors, des cartes graphiques volées avec 16mo de mémoire, nous aurions donc pu facilement nous procurer n'importe quel objet ou bien n'importe quel substance avec une très grande facilité, aussi facile que de descendre en bas du bloc et de dire t'as pas ça ou tu peux pas me ramener ça. Cette facilité aidant, et mon ayant toujours au moins 50 francs sur lui, nous avons donc décidé de franchir le cap et acheter notre première barrette de shit auprès d'une de mes connaissances. Par chance, et je revois cette instant comme si c'était hier, nous étions tombé sur un très bon shit que nous avons testé quelques heures plus tard sur un banc d'un des parcs de mon quartier.

Nous étions de vrais amateurs, mais ça ne fut pas pour autant difficile de rouler notre premier joint et quelques heures plus tard, après en avoir fumé seulement un petit, nous étions couché sur le banc, avec une sensation d'étourdissement comparable à notre première cigarette mais aussi avec un mal de ventre et une envie de vomir que je n'ai toujours pas oublié à ce jour. Nous nous étions dit sur le coup qu'on avait surement mal fait quelque chose et qu'on devrait réessayer dans de meilleurs conditions. Chose que nous avons faites une semaine plus tard, en demandant à un des grands, un fumeur, s'il ne voulait pas venir fumer avec nous, comme nous avions du bon matos et que nous étions plein d'entrain, je suppose, qu'il n'a pas osé nous dire non, et nous nous retrouvions tout les 3 sur un banc dans le même parc pour fumé un joint dans les règles de l'art. Bien sur nous n'avions rien fait de différent la première fois, nous avions été mal seulement parce que la drogue était forte et que nous avions fumé trop rapidement, mais cette fois-ci, et pour un second essai, nous n'avons pas eu la même expérience. Nous avons découvert cette fois l'euphorie que procure le fait de fumer un joint, sans aucun effets toxiques. Puis de fil en aiguille, jour après jour, semaine après semaine nous sommes passés de fumeurs de cigarettes à fumeurs de joints, tout en intégrant la cours des grands. Nous avions tout les deux le même age et commencions à "trainer" avec des jeunes de 18-20 ans. Ce n'était pas seulement l'effet que nous procurait le joint mais aussi une ambiance dans laquelle nous trouvions notre place "des plus jeunes fumeurs" du groupe qui inconsciemment nous pousser à répéter l'opération le plus possible, au point que nous avions hâte de nous revoir dans mon quartier pour acheter du shit et passé une après midi sur le banc à fumer des joints avec le reste des copains.

Puis vint un jour ou cette amitié, bien que solide commença à se diluer complètement et à être totalement différente, je devenais moi-même un mec de quartier alors que mon ami lui était loin de tout ça et vivait dans un environnement bien différent du mien. Nous avons fini par ne plus nous revoir du tout et j'ai appris une dizaine d'années plus tard que cet ami était dorénavant devenu un cocaïnomane notoire, et sur le coup, je m'étais dit que c'était triste mais je n'ai pas cherché à le recontacter ou quoique ce soit pour en parler.

En 2001, et après plusieurs années à vivre dans un milieu très défavorisé je commençais à vouloir devenir comme les grands de mon quartier. J'avais 15 ans, je me sentais invincible et je voulais moi aussi profiter de la vie et posséder "des choses" aussi futiles soient-elles. A la même époque le contexte familial devenait de plus en dur et je devais commencer à m'assumer moi-même si je voulais arriver à me payer les choses dont j'avais envie, et avec le recul je me rend bien compte que ce n'était pas des nécessités mais seulement un besoin de paraître pour exister, alors que jusque la j'existais bel et bien aussi, peut être même plus que quand j'ai commencé à me poser ces questions.

Pour posséder nous n'avions d'autres moyens que de vendre de la drogue ou bien de voler ce que les autres posséder, nous avons commis beaucoup de vols et beaucoup d’agressions à cette époque, et même si je me refusais à agir moi-même ou bien à faire preuve de violence dans ces cas-la, "je me devais de faire" pour avoir quelque chose aussi et me faisais donc souvent complice de ces agressions en jouant le rôle de celui qui détourne l'attention. J'avais assurément un air plus sympathique que mes collègues d'infortune et mon vocabulaire me permettait de ne pas éveiller trop de doute. Bon certaines fois ça allait tellement vite que je n'avais pas à parler et je profitais tout de même du butin que le groupe venait de récolter. Au final, cette envie de posséder ne nous a pas permis de vraiment posséder quoique ce soit, bien mal acquis ne profite jamais dit-on, et bien c'était le cas. Nous avions 15 ans et pouvions volé pour 100-200€ par jour que cela ne nous permettait pas d'avoir ce qu'on voulait, nous ne pouvions pas rentrer chez nous avec de nouveaux habits ou bien des nouvelles chaussures, non, au risque de nous faire surprendre par nos familles, du coup nous dépensions allègrement notre argent dans tout et n'importe quoi et principalement le bedo/la weed.

Avec le recul j'ai l'impression maintenant que nous volions plus pour nous payé a fumer que pour réaliser nos rêves, celui d’être comme les autres enfants dont les parents avaient plus de moyens, mais aussi celui de nous intégrer à cette société tel que la société et notre environnement nous le faisaient ressentir.

J'avais été habitué à être le premier de ma classe durant toute ma scolarité, si bien que je devenais un modèle d'intégration, né en Turquie, venu en France à l'age de 4 ans, j'arrivais à surprendre tout les enseignants par ma capacité d'analyse et ma vitesse d'exécution, plus tôt, et lorsque j'étais en primaire, j'étais capable de suivre les cours des élèves plus grand que moi, et connaissait par cœur toutes les tables de multiplication, j'étais capable de faire des divisions alors que les autres enfants de ma classe avaient encore du mal avec les additions et les soustractions. Non je n'étais pas un surdoué, et je ne le serai jamais, j'étais seulement très assidu et voulait faire de mon mieux, quitte à devoir passer plus de temps que les autres pour y arriver.
Ces souvenirs sont si lointain dorénavant, et ma période de collège était sensiblement pareil au début, ma moyenne générale représentait un point très éloigné des autres, j'étais tout seul et très proche des limites de 20 ,mais évidement cela ne dura pas longtemps.

Les jours passaient et nous reproduisions toujours les mêmes conneries, nous commencions tous à nous déscolarisés et causions du tord à toute l'école et à nos enseignants pour le peu de fois ou nous décidions d'aller en classe. La plupart du temps, nous commencions à fumer nos joints dès le matin a côté de notre collège et après quelques joints nous n'étions plus en état d'aller en cours, cet état ne nous empêcher cependant pas de continuer ces agissements nocifs ni de nous rendre compte de ce que nous devenions. Pour ma part je passait du meilleur élève de ma classe au plus absent et mes notes dégringolaient à une vitesse faramineuse, au point que l’élève avec un 17 de moyenne que j'étais n'avait plus qu'un 4 de moyenne en fin d'année.

Beaucoup de personnes et surtout ma mère a tenté de me résonner mais tout ce qu'on me disait rentraient d'une oreille puis ressortaient instantanément de l'autre, aucune prise de conscience ne s'est opéré en moi, pas même quand mes voisins et amis du 4ème étage et du rdc sont décédés à la suite d'overdoses, des personnes avec qui j'ai passé énormément de temps et avec qui j'ai fumé énormément de joints. Je pense que rien ni personne n'auraient pu nous faire pendre conscience de ce que nous faisions.

De fil en aiguille et après un énième déménagement en 2002 je me suis éloigné peu à peu de cet entourage, nous continuions toujours à nous voir certes et à faire des bêtises, mais de moins en moins puisque les tribunaux finirent par condamner mes anciens camarades et dans ma chance je sortais presque indemne du quartier après plusieurs années de torpeur et décidait de me plonger dans la musique. La scolarité ne m’intéressait plus et je n'ai pas pu assister au brevet des collèges du à mon absentéisme, encore et toujours généré par la fumette. Je fus tellement absent à cette époque du collège que les profs ne me croyaient pas quand je leur disais que j'étais leur élève, je leur disais de vérifier leur liste pour savoir s'ils ne m'avaient pas barré et c'est seulement après l'intervention du CPE qu'ils comprenaient que c'était véridique. J'ai eu beaucoup de mal à me re-intégrer à cette époque et par dépit j'ai usé de beaucoup de violence pour à défaut de me faire de nouveaux liens d'amitié créer des liens d'adversité...

A suivre ...

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Great to see you after a long time .... missed reading your content

Hi, @hightouch!

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Salut fréro @hightouch
J'ai beaucoup aimé ce récit, car écrit avec le coeur et je l'immagine d'un trait.
Tu as accouché sur le papier beaucoup d'émotion et ça se sent à la lecture :)

merci poto :)

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