Précédemment, nous avons voyager dans cette renaissance du début du 16ième siècle en Angleterre avec le grand maître Hans Hoblein le jeune. Nous avons vu ensemble le contexte et la technique employés par Hoblein pour le portrait de Thomas More. Nous continuons aujourd'hui avec l'un des portraits les plus importants de l'époque : celles des ambassadeurs. Je ferais l'économie de la présentation d'Hoblein le Jeune que j'ai fait dans mon article précédent.

Les Ambassadeurs par Hoblein le Jeune

Quelques rappels sur Hoblein le Jeune

Hans Holbein le Jeune était incontestablement l'un des meilleurs portraitistes de la Renaissance, et a contribué à enrichir l'art gothique allemand tardif (illustré par le travail de Matthias Grunewald) avec le caractéristiques plus progressistes de la Renaissance florentine (vers 1400-1500). À ses débuts à Bâle (vers 1515-1526), ​​il produit de nombreux types d'art, allant de la peinture mythologique de grand format à l'art de la Réforme protestante en passant par la gravure sur bois et la peinture miniature. Mais c'est les portraits créés pendant sa vie à la cours d'Angleterre (1526-28 et 1532-43) qui l'ont rendus célèbre. Il était un maître absolu du dessin, et ses portraits ont été admirés par les contemporains pour leur caractère vraie. En fait, c'est en grande partie à cause des portraits de Holbein que nous avons un visuel des célébrités de son époque. On peut citer Erasme d (1469-1536), Thomas More (1478-1535), Thomas Cromwell (1485-1540) et bien sûr le roi Henri VIII (règne 1509-47). En outre, au grand amusement des érudits et des historiens d'art, Holbein a enrichi son portrait de nombreux symboles, allusions et motifs ironiques. Les ambassadeurs furent peints pendant le second séjour d'Holbein en Angleterre (1532-1543), qui coïncida avec la rupture d'Henri VIII avec Rome (sa décision d'annuler son mariage avec Catherine d'Aragon) et la formation de l'Église protestante anglaise. En plus d'être peintre du roi, Holbein a également représenté de nombreux nobles et femmes, des membres du clergé, des propriétaires fonciers et des hommes d'État. Cent ans plus tard, le virtuose flamand, également éphémère, Anthony van Dyck (1599-1641) reprend l'exemple de Holbein et s'installe en Angleterre en tant que peintre de cour de Charles I (1600-49).

Quelques détails du tableau

Contexte de l'oeuvre

L'un des plus grands portraits peints par Holbein lors de sa deuxième visite en Angleterre, était Les Ambassadeurs, un double portrait grandeur nature du riche propriétaire terrien Jean de Dinteville (1504-1555), ambassadeur du roi de France et de son ami Georges de Selve, évêque de Lavaur (1508-41). L'œuvre est imprégnée de significations cachées et de traits symboliques, dans la plus pure tradition de la Renaissance nordique.
Le travail a été commandé par Jean de Dinteville, le jeune ambassadeur, pour commémorer la visite à Londres de son ami de Selve qui, d'ailleurs, ne porte pas de robes épiscopales parce qu'il n'a été réellement consacré que l'année suivante. Les deux hommes étaient sur une mission diplomatique difficile et finalement infructueuse pour réconcilier Henri VIII et l'église de Rome, d'où son nom (pluriel), les ambassadeurs. Il se peut donc que le thème principal de la peinture soit la réalité terrestre : à savoir qu'aucune quantité de richesse matérielle, de pouvoir ou d'apprentissage ne puisse empêcher la mort. C'était la manière d'Holbein de dire qu'aucun homme, y compris le pape, n'avait tout pouvoir réel d'arrêter ce qui était inévitable. Dans ce cas, l'inévitable était la décision de Henry de créer sa propre église.
En plus d'être un portrait, les ambassadeurs est aussi une peinture de nature morte mettant en vedette de nombreux objets. Bien sûr, de nombreux portraits d'hommes érudits du XVIe siècle contiennent des objets qui reflètent leurs occupations et leurs intérêts, mais le tableau de Holbein est particulièrement impressionnant en raison de son extraordinaire attention aux détails et de la quantité d'informations qu'il contient. Il montre clairement que, outre l'art gothique et la Renaissance, Holbein était également fortement influencé par le réalisme méticuleux de la peinture flamande précoce.

Que signifie ce crane caché ?

Signification et symbolisme

La représentation des deux personnages est à la fois techniquement brillante et symbolique. De Dinteville, à gauche, est vêtue de** luxueux vêtements : un lourd manteau noir garni de fourrure de lynx, sur une tunique de soie rose. Sur son chapeau est l'image d'un crâne (son insigne personnel) qui est sans aucun doute un memento mori. L'évêque et érudit classique Georges de Selve est vêtu de vêtements cléricaux moins ostentatoires. De manière significative, sa position est moins affirmée que celle de son collègue, et il occupe de fait moins d'espace dans le cadre de la photo. En outre, l'image du luth avec une corde cassée (étagère inférieure) est un symbole populaire de la discorde, renforçant l'idée d'un conflit entre l'Angleterre et Rome, ou faisant allusion au schisme continental entre les protestants et les catholiques.
Le cadre du portrait est une zone relativement peu profonde, entourée de rideaux verts décorés de motifs complexes de style héraldique. Le sol est recouvert de carreaux de mosaïque, sur la base de la conception du «Pavement [Cosmantesque](https://fr.wikipedia.org/wiki/Cosmatesque» devant le maître-autel de l'abbaye de Westminster, ce qui suggère la nature primordiale de la liturgie anglaise.
Sur les deux étagères dressées entre les deux figures, se trouvent de nombreux autres objets auxquels elles et leur époque sont associées. Mettant en avant un mélange d'instruments de navigation, d'astrologie et de musique. Il y a deux globes (un céleste, un terrestre), un quadrant, un torquetum, un cadran polyédrique, un carré en T, un livre de mathématiques allemand et un hymne luthérien.

Le Luth, symbole de la discorde

Symbolisme caché ?

En surface, la peinture semble être une glorification des réalisations de l'homme, jusqu'à ce que l'on prenne conscience de la signification de l'image floue en forme de diagonale qui plane juste au-dessus du sol. Holbein a délibérément déformé l'image pour que sa signification ne devienne évidente que lorsqu'elle est vue de haut en bas à droite ou de bas en bas à gauche. Vu sous ces angles, cette image anamorphique est immédiatement reconnaissable comme un crâne humain (le rappel de la mort et la nature fondamentalement transitoire des valeurs humaines). Pourquoi Holbein lui a donné une telle importance : ce n'est pas claire. Il a été suggéré que le tableau était destiné à être suspendu dans une cage d'escalier, de sorte que quiconque monterait les escaliers et passerait la peinture sur sa gauche serait choqué par l'apparition soudaine du crâne.

Bien que Les Ambassadeurs soit un rappel clair de la mortalité humaine (un état qui l'emporte sur toutes les questions terrestres), ce n'est pas une image pessimiste. Parce que, caché dans le coin supérieur gauche, se trouve un crucifix, un symbole clair que la foi en Jésus-Christ nous aide à échapper à la mort et à obtenir le salut éternel.

---

Série d'articles Présente moi une oeuvre d'art :

1- L'annonciation par Fra Angelico

2- Ecce Homo par Antonello de Messine

3- L'Extase de saint François par Bellini

4- Portrait du doge Leonardo Loredan par Bellini

5- La naissance de Vénus par Botticelli

6- Io et Jupiter par Le Corrège

7- Allégorie du triomphe de Vénus par Bronzino

8- La Mort de la Vierge

9- Portrait de Thomas More par Hoblein le jeune

---

@siavach, Amtateur d'art et Photographe