Kanye West contre le public
Kanye West, ce chouchou du public (pas certain qu’il l’est encore), a donné une entrevue de près d’une heure à Charlemagne the God, et une autre d’une trentaine de minutes à TMZ. Cette dernière entrevue a soulevé la controverse. Comme à l’habitude, dans les réseaux sociaux, la réaction fut instantanée: “Black Twitter” s’est rapidement insurgé. Personnellement, j’avance plusieurs propos qui ne font pas l’unanimité, cependant, je ne m’attends pas à me faire lyncher dans un pays dit “démocratique,” simplement pour avoir exprimé mon opinion. C’est à quoi s’est livré la majorité du public.
“Lorsque t’entend que l’esclavage a duré 400 ans… 400 ans? Ça me paraît plutôt d’un choix.” J’avoue que ce pikliz est chaud. Mais ce n’était pas un énoncé de fait. Il exprimait son opinion. Pourquoi réagissons-nous aussi violemment lorsque nous tombent aux oreilles des paroles qu’on ne dirait pas nous-mêmes, ou lorsqu’on entend des opinions qui s’opposent diamétralemet à la nôtre?
Je n’entends personne nier que l’esclavage est un chapitre sombre de l’Histoire occidentale. Une tragédie horrible. Le site de l’UNESCO résume la traite négrière transatlantique comme suit:
“Entreprise commerciale et économique, la traite négrière est l’illustration dramatique de la rencontre entre l’histoire et la géographie. Elle a lié plusieurs régions et continents : Europe, Afrique, Océan Indien, Caraïbes, Amérique.”
“Premier système de mondialisation de l’histoire, la traite et l’esclavage qui en est issu, du XVIe au XIXe siècle, constitue, selon l’historien français Michel Deveau « la plus gigantesque tragédie de l’histoire humaine par l’ampleur et la durée ». La traite négrière transatlantique, facteur déterminant de l’économie mondiale au XVIIIe siècle, a été en effet le plus grand mouvement organisé de déportation de l’histoire. Des millions d’Africains ont été arrachés à leurs foyers, déportés vers le continent américain et vendus.”
Par contre, Kanye West ne décrivait pas l’esclavage comme tel. Il parlait plutôt de sa réaction face à l’idée d’endurer une telle souffrance pendant 4 siècles. Il parle de se libérer de sa “prison mental” en faisant analogie à l’enchaînement physique subi par les victimes de cette atrocité.
N’oublions pas que Kanye se dit artiste. Donc on peut s’attendre à ce qu’il s’exprime comme un artiste: de façon floue, imagée, et qu’il a pour but de faire des remous, de causer des réactions, voire une polémique. Je crois que si chacun de nous s’asseyait avec M. West pour lui demander de s’éclaircir qu’il formulerait son idée autrement.
D’autre part, je ne crois pas que la maladresse de ses propos soit la seule cause de ce tollé. Il y a aussi son association avec Donald Trump. En effet, le mois suivant l’élection de M. Trump, Kanye West rencontre officiellement son ami et fait une déclaration formelle dans laquelle il affirme supporter le president élu. Et oui, il appelle Donald Trump son ami. Doit-on condamner quelqu’un à cause des ses fréquentations? C’est à vous de choisir. Pour ma part, même si je risque de perdre des appuis, je continuerai d’être un fan de Kanye West, de sa musique et de ses créations. Toutefois, je déconseille à quiconque de voter pour monsieur dans le cas ou il se présenterait à des élections dans le futur.
Pour finir, Kanye West est une superstar. Une figure polarisante. Quelqu’un que les media adorent parce qu’il attire tant d’attention. Peut-être en n’est-il pas conscient, ou, comme il dit à Charlemagne the God, qu’il n’a pas de “training” médiatique, mais je crois qu’il est tombé dans un piège. On lui a fourni une tribune pour qu’il s’exprime sachant très bien qu’il n’était pas tout à fait stable mentalement. Résultat: TMZ en a eu plein les “vues.” Je vous invite à comparer l’entrevue accordé à Charlemagne de God à celle de TMZ. Examinez les méthodes utilisées par les interviewers et le cadre dans lequel les entrevues se déroulent. Vous constaterez que le message qu’on reçoit de l’artiste diffèrent sensiblement d’une tribune à l’autre.