LE VRAI POUVOIR DE LA BEAUTÉsteemCreated with Sketch.

De la crèche à l'entreprise, en passant par l'école et la vie privée, l'apparence physique est un facteur de discrimination. Même si personne ne l'admet. Enquête

l'expérience suivante: elle a fait défiler devant leurs yeux, sur un écran, des photos de visages féminins qui, préalablement testés auprès d'un groupe d'adultes, étaient considérés comme beaux et séduisants par opposition à d'autres. Le résultat est étonnant, presque glaçant: «Dès trois jours, raconte-t-elle, les bébés fixent plus longtemps les jolis visages que les autres.» C'est l'insondable pouvoir de la beauté. Par quels sortilèges les humains succombent-ils à l'arrondi d'un sourcil, à la courbe d'une lèvre, au dessin d'une nuque, à la perfection d'un ovale, à l'harmonie d'un profil? Si même de tout petits bébés sont sensibles à l'esthétique, qu'en est-il de nous?
La beauté est une meilleure recommandation que n'importe quelle lettre», observait Aristote. A l'heure où, comme le souligne le politologue Jean-Marie Cotteret, les grands de ce monde sont taraudés par une question existentielle - «Est-ce que je passe bien à la télé?» - on se plie sans barguigner à l'injonction sociale assénée par la pub: «Sois beau!» Les slogans vont plus loin - «Adieu les peaux sèches, bonjour les caresses» (Garnier): ils sous-entendent que la beauté est un passeport pour la tendresse, le sexe, l'amour, la réussite et la fortune. La sagesse populaire, depuis des millénaires, enseigne de ne pas s'y fier - «Tout le monde sait que la beauté est belle, voilà à quoi tient sa laideur» (Lao-Tseu). Pourtant, c'est vrai: la beauté est une clef sociale. Même si l'hypocrisie règne. Même si, dans cette société schizophrène, on condamne les idéologies exaltant la beauté physique tout en cédant collectivement à l'obsession du look. Même si, alors que l'un des sports favoris des Français consiste à gloser sur le physique d'autrui, le Parlement a voté, le 16 novembre 2001, une modification du Code du travail qui interdit toute discrimination fondée «sur l'apparence physique», outre l'âge, le sexe, la race, etc.Désormais, un candidat refoulé à l'embauche parce qu'il n'a pas le physique de l'emploi - ou parce que sa tête ne revient pas au recruteur - pourra traîner l'employeur fautif devant les tribunaux. S'il parvient à prouver qu'on ne veut pas de lui parce qu'il est trop gros, trop petit, trop vilain. Pas facile, en vérité. Car c'est rarement dit. Sauf dans le dos des gens concernés. On peut interdire les gros abus. Pas le jésuitisme. «Les discriminations fondées sur le physique sont d'autant plus efficaces qu'elles sont niées», dénonce Amadieu (lire l'interview ci-contre).

Parce que personne ne lui a jamais rien dit en face, Virginie, 29 ans, 1,62 mètre, 132 kilos, a mis du temps à comprendre qu'elle ne trouverait pas de travail à cause de son poids. Jusqu'au jour où, en 1995, elle a postulé pour un emploi dans une compagnie d'assurances. «Mon dossier a été retenu, on m'a offert mon billet de train pour Paris, j'avais rendez-vous à 9 heures.» A son entrée dans le bureau, le directeur des ressources humaines (DRH) - lui-même bien enrobé - ne cache pas un mouvement de recul: «Ah, vous êtes là? Désolé, le poste a été supprimé.» Virginie prévient l'une de ses amies, candidate sélectionnée elle aussi, qui se présente quand même à l'heure prévue, l'après-midi. Cette fois, l'entretien a lieu. Le poste n'était pas supprimé. Virginie a dû se contenter d'emplois intérimaires. Jusqu'à ce qu'elle finisse par postuler à l'Education nationale: les concours publics sont écrits et anonymes.

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