Rencontres avec l'Afrique : La ruée aux diamants

in #fr6 years ago


Les mines de Tortiya, Côte d'Ivoire

Je ne sais plus quand ni comment, un beau jour, quelqu’un avait trouvé des diamants dans cette région du nord de la Côte d’Ivoire. Ces mines, exploitées un temps, avaient données naissance à un village du nom de Tortiya. L’entreprise fit faillite laissant la place à une exploitation artisanale clandestine. Un gisement juste assez riche pour convertir le tranquille village, installé au bord du fleuve Bou, en un petit far west Ivoirien. Le village avait perdu sa tranquillité et son paysage s’était transformée en gruyère au gré des recherches. S’y rendre n’était pas vraiment difficile mais il fallait suivre une assez longue piste qui le gardait protégé des curieux.

L’endroit avait attiré des aventuriers, la plupart des étrangers venant de pays voisins, le Libéria, le Burkina ou la Guinée. Le coin avait une réputation quelque peu sulfureuse que l’on imagine aisément. Un de ces aventuriers était Européen, né en Afrique centrale il était arrivé là un peu par hasard, à la bonne époque, et avait fait quelques affaires. La recherche du diamant se faisait toujours plus dangereuse et aléatoire, mais ayant pris femme dans le coin, il décida de monter un petit campement au bord du fleuve.

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Le campement de Marius

C’était simple mais accueillant. Quelques chambres et une grande table ronde ombragée où les repas étaient pris en commun. Le campement était fréquenté par de rares touristes, souvent des expatriés vivant à Abidjan, ainsi que par des acheteurs de diamants. Cela lui conférait un caractère divertissant, permettant de rencontrer des personnes différentes. Ils maitrisaient la filière du diamant et quelques bières et flatteries les amenaient rapidement aux confidences. Ils ouvraient les portes à des visites des plus instructives, à pénétrer ce milieu clandestin si fermé.

Le propriétaire avait récupéré deux jeunes chimpanzés qui étaient devenu adultes. L’un d’eux était mort récemment mais l’autre vaquait librement à ces occupations dans le campement. Et grosso modo il s’occupait en taquinant les visiteurs. Au début c’était très amusant mais devenait rapidement assez pesant. Je ne peux m’empêcher de raconter quelques prouesses de l’animal.

A l’arrivée, on vous donne la clé de votre chambre en insistant bien sur le fait que la porte doit toujours être fermée à clé, y compris lorsque l’on est à intérieur. Un ami ayant un besoin pressant est entré en urgence dans sa chambre et s’est précipité aux toilettes sans respecter la consigne. On dit malin comme un singe, celui-ci n’ayant pas entendu le bruit de la clé dans la serrure, s’est précipité, manœuvré la poignée et pénétré dans la chambre. Le copain eut la surprise d’une main poilue tirant la chasse d’eau pour lui. Le singe s’est ensuite précipité dans le lit, couvert avec les draps propres comme le ferait un humain. Impossible de le faire sortir de là, lui proposant des bananes entre deux crises de fou rire.

Un peu plus tard je m’assis sur un canapé extérieur pour lire le journal. La presse Ivoirienne à quelques titres à ne rater sous aucun prétexte. Ivoire soir en faisait parti. Nous étions en plein dans une histoire à rebondissement concernant un probable voleur de sexe qui effrayait les gens et défrayait la chronique. J’ouvre mon journal à la recherche des derniers éléments sur l’affaire lorsque le singe vient s’assoir à côté. Une main s’empara soudain du journal ne me laissant pas le temps de réagir et mon nouvel ami tenait déjà le journal de la même façon que moi, m’imitant comiquement et me laissant sans nouvelles.

Le matin le chimpanzé prenait son petit déjeuner avec tout le monde. Attablé aux côté de son maitre, on lui mettait d’abord une grande serviette blanche autour du cou. On lui donnait un bol avec du lait et du chocolat en poudre qu’il remuait avec une certaine prestance. Une tartine lui était confectionnée qu’il trempait dans le lait avant de la déguster. C’était un pur délice de le voir faire.

Les mines de Tortiya

Ce n’étaient pas des mines au sens où on l’entend mais un ensemble anarchique de trous, souvent profonds, de galeries qui partaient au gré des trouvailles ou des instincts, sans plan pré établi. L’ensemble n’était jamais étayé et s’écroulait régulièrement, enterrant vivant ceux qui s’y trouvaient. D’en haut les effondrements de terrain pouvaient vous engloutir tout aussi aisément. La terre était creusée à l’image d’un gruyère.

Le travail sous terre était une des composantes, il fallait ensuite monter la terre et y chercher les précieuses pierres, jamais bien grosses. Si par hasard quelqu’un découvrait un diamant plus gros que la moyenne, il fallait en garder le secret sous peine d’en être la victime. Le soir, les trouvailles étaient amenées vers les acheteurs qui pesaient et payaient en liquide le prix qui les arrangeait. Inutile de vous dire qu’il n’y avait aucune corrélation entre la difficulté, voire la dangerosité du travail et la rémunération. Ceux qui s’enrichissaient étaient les acheteurs. Une fois par semaine ils partaient revendre à leur contact à Abidjan qui eux même avaient d’autres contacts en Hollande, parfois en Afrique du sud.

Il est évident qu’à certains moments il fallait être prudents, le samedi soir lorsque tous les chercheurs profitaient de leur instant de bonheur hebdomadaire, quand l’alcool frelaté avait trop coulé, des bagarres éclataient, sans contrôle. En cas de grosse découverte il pouvait y avoir des discutes féroces dont il fallait se tenir éloigné.

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Malgré tout, le plus dangereux à Tortilla c’était les moustiques. Ils appréciaient les rives du fleuve. Ils nous transmettaient avec entrain les fièvres du paludisme, qui, si elles ne nous tuaient pas nous faisaient passer de désagréables moments. Un autre danger, plus expéditif celui, là venait des hippopotames. Nombreux dans les larges et peu profond fleuves Africains, absolument pas enclin à la discussion quand vous vous trouviez malencontreusement sur leur passage. Ils étaient chez eux et se faisaient respecter, la nuit nécessitait une prudence absolue.

Je n’ai jamais réussi à savoir si la production des mines de Tortiya représentait un montant important ou insignifiant. Ces mines clandestines ne sont pas rares en Afrique, dans les diamants, l’or ou d’autres pierres semi précieuses. Les conditions de vie et de travail y sont toujours dramatiques.

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Exceptionnel comme toujours ! La partie avec l'intrusion du singe nous a particulièrement fait sourire ! Upvoté à 100% !

Merci @francosteemvotes. Pour le singe au jour d'aujourd'hui j'en ris encore ...

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