D'Abidjan à Carcassonne : La Mauritanie

in #fr6 years ago


Le banc d'Arguin

Dans ce voyage entre Abidjan et la France, la Mauritanie était le pays que nous connaissions le moins. Un désert, la limite ouest du désert des déserts, le Sahara. Le rêve était né il y a longtemps bercé par les récits des écrivains aventuriers, Frison Roche, Théodore Monod et bien d’autres.

L’accueil des autorités n’a pas était le plus chaleureux que j’ai eu rencontré, pour autant c’est avec un grand plaisir que nous roulions sur une excellente route que le sable recouvrait par endroit comme le fait la neige poussé par le vent. Direction Nouakchott, la discréte capitale de la Mauritanie.

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Nouakchott

Il fallait savoir que c’était une capitale dans ce temps là. Il n’y avait presque rien à Nouakchott. Un hôtel hors de prix pour les hommes d’affaires, un petit hébergement dont, au moins les tarifs, nous convenaient, une cafétéria indescriptible aux néons blafards et aux nappes collantes où l’on pouvait ne pas mourir de faim.

Le vendredi la grande distraction était la plage toute proche. Les familles arrivaient avec leur gros 4*4, les glacières, les amis. Nombreux essayaient de passer du parking à la plage en voiture à travers un passage de sable assez mou. Ces aventuriers du vendredi n’avaient pas tous lus la notice de leur voiture et s’ensablaient au grand plaisir des voisins et du notre. Les filles en bikini n’étaient pas légion, l’attraction était mécanique. Comme nous nous sentions forts par rapport à ces amateurs du haut de notre statut de ceux qui allions affronter le vrai désert ! Assurance étonnante pour des événements non encore vécus.

La vrai raison de notre présence à Nouakchott était de chercher des contacts qui nous aideraient a passer au Maroc. Les deux pays avaient probablement des différents car la dite frontière était fermée, juste dans le sens qui nous intéressait. Il en fallait beaucoup pour nous décourager, je me demande même si ces interdictions ne nous motivaient pas. L’idée générale était de s’approcher de la zone, de rentrer assez loin vers l’intérieur du désert, de passer en fraude et de se constituer prisonnier au Maroc prétendant que l’on s’était perdus. Les Gps n’étaient pas accessibles aux particuliers à cette époque, l’histoire était plausible.

Inutile de préciser que la recherche de contact est un parcours semé d’embûches. La chance sourit aux audacieux et d’audace nous ne manquions pas. Un vernis d’inconscience par-dessus et nous voilà partis avec un nom et un plan de route. D’abord monter vers le nord, éviter soigneusement Nouadhibou pour ne pas se faire repérer, rencontrer le nom qui nous guiderais vers le meilleur endroit pour passer et nous abandonnerait en vue d’un poste Marocain.

Tout cela ne nous préoccupait pas, pour l’instant il fallait traverser le désert. Il n’y avait pas de route, seulement une piste de sable à mauvaise réputation. Nous avons réitéré la stratégie du Sénégal, surveillant les marées, n’écoutant que notre bonne étoile, nous nous sommes lancés sur une plage étroite pour 200 kilomètres. Ravis de notre joli coup, épuisés du stress monté en même temps que la prise de conscience, nous débouchions sur le banc d’Arguin. Discrètement, rapidement et facilement. Ça passe ou ça casse, cette fois ci c’était passé.

Le banc d’Arguin

Coincé entre le Sahara et l’océan Atlantique, le banc d’Arguin, théâtre de scénarios tragiques, s’étend sur une large bande du nord au sud. C’était un des endroits les plus poissonneux au monde. Les mercredis de mon enfance, mon grand père, au prix d’immenses efforts sur sa vieillesse, m’avait transmit son savoir en la matière. L’occasion d’un petit hommage personnel à mon papi se présentait.

Les Imraguens habitent sur le territoire du banc d’Arguin. Installés depuis des siècles ils vivent en harmonie avec leur environnement notamment en ce qui concerne les techniques de pêche. Ils sont connus pour les prélèvements raisonnés et ont été popularisés par Cousteau, me semble t-il, pour l’aide que leurs apportent leurs compagnons de pêche : les dauphins.

Le banc d’Arguin est un parc national, avec la réglementation qui va avec. Je me suis présenté au village d’Iwik, demandé à voir le chef pour plaider ma cause. Il fût sensible à mon remord de jeune égoïste repenti voulant remercier son ancêtre. Désigné temporairement adjoint au chef pêcheur, j’allais mettre mon art à la disposition du village. Rendez vous était pris pour le lendemain, à l’aurore évidement.

Mon chef s’est avéré très sympathique et peu tyrannique. En réalité il était chef de lui-même, j’étais son 1er apprenti. A peine plus âgé que moi il était en pleine forme, il allait falloir s’accrocher. Nous avons commencé à taquiner de belles pièces au fond d’une baie, j’étais enchanté mais le meilleur restait à venir. Quand nous humes rempli deux sacs de friture, plus grosse que ce que je n’avais jamais attrapé, nous sommes passé aux choses sérieuses. Le chef m’a fait poser ma canne à pêche dont j’étais pourtant assez fier, pas assez solide d’après lui.

Depuis un cap, armés de long fils, partageant une paire de gants, nous lancions un morceau de métal équipé d’un gros trident, le faisant tournoyer au dessus de nos têtes tels les cow boy avec leur lassos. A chaque lancer nous avions des attaques, des thons ou des bonites je ne sais pas trop, qui cherchaient à vous tirer à l’eau, sûrs de leur puissance. Il fallait forcer et bien se caller dans les rochers. La pêche fût miraculeuse, une quarantaine de poissons énormes pour nourrir le village. Depuis ce jour j’ai arrêté la pêche, tel un sportif arrêtant à l'apogée de sa carrière.

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Il a fallu se remettre en route, s’ensabler de nombreuses fois pour rentrer dans les sables. On dit qu’il faut payer pour apprendre, c’est vrai, mais sous l’ardeur du soleil, le sable collé à la peau par la transpiration naissait une passion du désert qui ne s’est jamais démentie. Apprentissage difficile qui me sera si souvent utile des années plus tard quand je vivrais entièrement cette passion.

Pour l’heure nous étions en Mauritanie, les choses sérieuses commençaient. En croisant la piste principale nous devions rencontrer le contact en qui nous devrons déposer notre confiance. S’il est au rendez-vous ?

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Merci encore pour ce nouveau voyage ! J'en redemande.

Encore un super voyage. L’article est top.
Cependant je ne vois pas tes photos. Je ne sais pas si le bug vient de chez moi ou si elles se sont mal chargées. Bonne journée

Je les vois mais tu perds rien ceux sont de trés vieilles photos re photographiées ...

Ben en fait, c'est pas que t'as arrêté la pêche, c'est que tu prends plus rien !! Super récit ! Hasta pronto...

Je t'attends pour les leçons

j'aime bien l'expression "chef que de lui-même, j'étais son premier apprenti"... tu as toujours une écriture teintée d'humour délicieuse ! Merci pour cette partie de pêche !

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