D'Abidjan à Carcassonne : La frontière interdite

in #fr6 years ago


En route vers la France depuis Abidjan où nous travaillions, notre étape du jour consistait á sortir de Mauritanie en direction du Maroc. La frontière était officiellement fermée et le passage interdit, petite complication inhérente aux déplacements en Afrique. Notre stratégie consistait à nous enfoncer le plus possible dans le désert, vers des endroits moins surveillés, passer en fraude et prétexter une incompétence d’orientation auprès des autorités Marocaines.

Nous avions eu beaucoup de bon temps dans la région du banc d’Arguin bien que nous ayons souffert de notre incompétence à rouler dans le sable. En cette fin de soirée, nous venions de traverser la piste qui reliait Nouakchott à Nouadhibou où nous avions rendez vous avec un contact que nous n’avions jamais vu, qui nous servirait de guide.

* * * * *

L'approche

Notre rendez vous était secret, il fallait rester discret, nous pour réussir à quitter le pays par le nord, notre guide pour ne pas avoir de problèmes graves avec la police de son pays. Il s’agissait de trouver un repère sur la piste, de tourner à droite s’enfonçant dans le désert pendant 8km. On installerait le campement là et le guide se chargerait de nous trouver. Cette première partie du plan, que je redoutais un peu, se déroula sans encombre, au réveil le lendemain matin nous étions un de plus.

Notre nouveau compagnon, j’ai oublié le faux prénom dont il s’était affublé, était sympathique. Il est devenu mon co pilote. C’est ainsi que j’ai appris que la couleur du sable donnait des indications sur sa dureté, que les vaguelettes dessinées au sol enseignaient le vent dominant servant de boussole naturelle, que la distance est plus difficile à évaluer qu’il n’y parait et de nombreuses autres astuces rendant ma conduite plus fluide, plus aisée et moins fatigante pour tout le monde.

On évitait les villages et les campements. Régulièrement nous faisions une pause pour que les chauffeurs gardent leur concentration et évitent une erreur aux lourdes conséquences. Les pauses étaient rythmées par le rituel du thé, trois en général, très chauds et de plus en plus sucrés. Les hommes du désert adorent raconter, leur enfance, leurs aventures, leur environnement si dur et si aimé à la fois. Cette journée est passée rapidement, la soirée sous le ciel étoilé autour d’un feu nous apaisée. Nous étions encore à distance raisonnable de la frontière, pas de risques pour l’instant, chacun pensait à demain mais personne n’en parlait. Demain ce serait une toute autre histoire profitons du moment présent.

Le passage

Il ne faisait pas encore tout à fait jour quand nous partîmes pour une trentaine de kilomètres qui allaient nous amener en zone délicate. Sans phare j’avais du mal à distinguer le relief et il y eut quelques secousses imprévues. A un moment donné nous nous sommes arrêtés, derrière une dune, protégés par quelques acacias. Le jour se levait à peine et il ne faudrait faire ni bruit ni feu jusqu’à ce qu’il se couche. Longue journée ou le stress monte progressivement. Je me souviens avoir appris à reconnaître les traces de vipères à cornes dans le sable, toujours utile.

Au coucher de soleil nous nous sommes mis en route, il fallait traverser la voie de chemin de fer toute proche et foncer vers le Maroc. La frontière ne serait pas matérialisée mais une fois au Maroc nous savions que certaines zones étaient minées. Le guide n’échappait pas au stress, il me poussait sans arrêt à accélérer. Je n’ai même pas vu la voie du train, cet immense train chargé de minéraux, j’ai sauté par-dessus à pleine vitesse, heureusement que les voitures étaient solides. Je surveillais le rétroviseur pour ne pas perdre nos amis dans le second 4*4 qui peinaient à suivre notre rythme infernal.

J’avais perdu la notion du temps, la nuit était tombée, pas question d’allumer les phares, j’avais juste une petite lampe à l’arrière pour que mon ami ne me perde pas, ce qui aurait été dramatique. Pour moi qui conduisait c’était impressionnant je préfère ne pas penser à ce que ressentait ma passagère. Tout à coup le guide m’a fait stopper, le temps de réaliser il m’a dit qu’on devait dormir là, que le poste militaire Marocain était devant nous et il a disparu, à pieds au cœur de la nuit. Après le bruit de la course folle, le calme soudainement revenu était presque inquiétant.

Chacun est allé se coucher à même le sable froid, gardant ses doutes pour lui. Pas la meilleure nuit de ma vie, attendant la lumière du jour qui nous révélerait si nous avions bien placé notre confiance. A la lueur du jour aucun signe de poste, moment d’inquiétude et de solitude. Un panneau attira mon attention, m’approchant prudemment j’ai vu qu’il signalait une zone de mines, celles qui explosent quand vous passez dessus. Pas génial. Enfin un peu plus tard, le jour devenant plus intense nous avons aperçu un petit baraquement dont la couleur se confondait avec le sable.

Adieu Mauritanie, bonjour Maroc

Alors que nous nous avancions deux militaires sont sortis, visiblement énervés et armés nous intimant l’ordre d’attendre à côté de nos voitures. Premiers contact raté. Trois heures plus tard un des deux ou un autre est venu confisquer nos passeports, sans aucune sympathie malgré nos efforts. Et toujours un seul mot d’ordre, attendez, on vous dira.

Ce n’est que vers le soir que le chef est venu, après quelques instants de morale et de questions il nous a informés de notre sort. Demain ou après demain, un militaire monterait dans la voiture et nous escorterait jusqu’à la côte au quartier général qui décidera de notre sort. Nous devions nous tenir prêt à 6h chaque matin. Blasé des horaires Africains le lendemain nous n’étions pas près à l’heure dite, alors que l’escorte arrivait. Le chef l’a renvoyée immédiatement au lendemain, tant pis pour nous ils n’étaient pas à notre disposition. Une journée de plus d'attente, l'attente c'est peut-être le plus difficile.

* * * * *

Le lendemain à 6h tapante nous étions dans les voitures, tout chargé, prés au départ. L’escorte est arrivée seule, il est monté dans la voiture, j’ai proposé une cigarette, il a accepté, premier signe de détente.

Nous avons roulé plusieurs heures, sur une piste qui sillonnait dans le désert comme une route de montagne. Facile et bien tracée, pour éviter les mines placées là pour protéger la frontière. Le militaire contrôlait juste que nous n’en sortions pas, ni en voiture ni à pieds. Contrôle facile puisque ce n’était point notre intention.

Cheminant tranquillement, multipliant les pauses, nous profitions de cette journée reposante. C'est ainsi qu'en fin de journée notre guide nous abandonnât à côté d'une immense tente militaire où l'on devrait attendre et dormir. Combien de temps ?


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Encore une magnifique histoire conté avec brio ! Upvoté à 100% !

Coucou Thierry !
Bon j'ai upvoté ta publi mais j'ai le regret de t'annoncer qu'il ne vaut rien...pour le moment ! Merci d'avoir fait un tour sur mon blog floristique. Et les baobabs dans tout ça ? Bise.

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