Abidjan : La vie sous un coup d'Etat

in #fr6 years ago


Fin 1999, la Côte d’Ivoire a connue un coup d’Etat qui mit fin à une longue erre de pacifisme et de stabilité politique dans ce pays.

Cet article ne se veut absolument pas une chronique historique, politique ou économique. Cet événement a déjà fait couler beaucoup d’encre, dans les années qui l’ont suivi, encre versé par des gens bien plus callés que moi sur le sujet. Je veux simplement apporter mon témoignage sur la vie quotidienne à Abidjan oú je résidais à cette époque depuis presque 6 ans. Pour autant quelques brefs rappels historiques s’imposent pour la compréhension générale des événements. La connaissance de quelques noms également. Promis, seulement l’indispensable.

Alors … Comment vit-on un coup d’Etat inattendu quand on est étranger dans un pays d’Afrique ?

* * * * *

Le pére de la nation

L’indépendance avait portée au pouvoir le président Félix Houphouët-Boigny, à la fois père de la nation et visionnaire il avait apporté beaucoup à ce pays, développant principalement l’agriculture. Il croyait dans la terre et a tellement bien fait passer son message que tous mes amis ayant vécu longtemps en Côte d’Ivoire à cette époque, ont, ont eu ou ont réalisé un projet agricole. Une vision qui lui a réussie si l’on regarde les performances agricoles du pays encore aujourd’hui, café, cacao, ananas, bananes .

Le sage comme on l’appelait parfois était partisan de la Françafrique, une collaboration étroite avec l’ancienne métropole. Il était proche des plus hauts dirigeants Français, député avant l’indépendance, plusieurs fois ministre de gouvernement Français. Cela l’a aidé á faire de la Côte d’Ivoire un des pays leader de la sous région. Un îlot de prospérité dans un océan de pauvreté.

Dans les années 80 l’effondrement des cours mondiaux du café et du cacao provoque une forte crise en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas la première certes, depuis son indépendance le pays en a rencontré et surmonté plusieurs. Mais peut-être que celui que l’on commence à appeler, avec un grand respect, le vieux (Titre quasi honorifique en Afrique) n’avait plus autant de clair voyance ou d’énergie devant les difficultés. Ou peut-être le monde avait changé ?

Au début des années 90, la gestion présidentielle s’est autorisée quelques erreurs, l’âge, la maladie. Je crois que tout cela lui a était largement pardonné et n’a jamais ternie son image. Je pense pouvoir dire que pour un Ivoirien ou quelqu’un qui pour une raison ou une autre aime la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny reste et gardera son prestige, à l’image d’autres leaders ayant obtenu l’indépendance de leur pays.

Que personne ne s’offusque, la simplification dont vient d’être victime le sage de la Côte d’Ivoire n’est du qu’á la modestie de l’article. C’est un livre pour le moins que mérite le vieux, et il y en a eut plusieurs, probablement. De même ne soyons pas naïf, la simplification évite de montrer les côtés plus obscurs de tout personnage politique. Le vieux était proche de Jacques Foccart, le monsieur Afrique de l’Elysée, pas réputé pour être un humaniste.

La succession

Son successeur, après une petite guerre politique, fût le président de l’assemblée nationale, Henri Konan Bédié. Son poste de président de l’assemblée nationale lui a permis d’assurer l’intérim du feu président Boigny jusqu’en 1995. Il était considéré comme le fils adoptif du père de la nation. Nous n’entrerons pas dans les spéculations, on a tout entendu sur ce sujet, les journalistes s’interrogeant sur la véritable lignée du dauphin. Peu importe en réalité, en 1993, Henri Konan Bédié prenait les rennes du pouvoir.

Il suffira de dire, pour présenter le personnage, qu’Henri Konan Bédié était célèbre pour avoir fêté son premier milliard en survolant la ville en hélicoptère lançant des liasses de billet. C’est en tout cas ainsi que l’on me l’a présenté alors que tout jeune, j’arrivais en Côte d’Ivoire pour y travailler. Le principal souci de Bédié était les élections de 1995, il avait un adversaire majeur (aujourd’hui au pouvoir), qu’il craignait par-dessus tout : Alassane Ouatara.

L'Ivoirité

Pour empêcher ce dernier de se présenter il a inventé le concept d’Ivoirité. Une invention dont les hommes politiques ont le secret. Un concept fictif générant la division dont ils sont les champions. L’idée était de dire que pour se présenter il fallait être un vrai Ivoirien, c’est à dire de grand parents Ivoiriens, ce qui, grosso modo, excluait le nord du pays, non par manque de sang Ivoirien mais simplement par le fait que la Côte d’Ivoire n’existait pas en tant que telle à cette époque d’avant l’indépendance.

Le plan a fonctionné puisque il fût élu par plus de 96% des votes, les autres candidats, sauf un inconnu, multipartisme oblige, avait boycotté l’élection. J’interrogeais les gens autour de moi, pourquoi avoir voté pour lui ? La réponse était pour le moins surprenante : Lui il est déjà riche, au moins, peut-être qu’il volera moins.

En attendant le concept d’Ivoirité faisait son nid, il germait pour accoucher bientôt d’une situation dramatique pour beaucoup d’habitants de la Côte d’Ivoire. Situation qui allait durer pendant les dix années suivantes.

* * * * *

C’est dans ce conteste politique que nous vivions, exceptionnellement bien, dans la Côte d’Ivoire de 1999. L’économie s’était correctement portée au cours de la décennie, probablement favorisée par la dévaluation du Francs CFA qui avait suivi la mort du vieux au début de la décennie. Comme dans chaque période de croissance tout le monde était optimiste. Seuls les plus avisés disaient, en pure perte, que l’histoire économique de l’Afrique était cyclique. Mais dans le rythme endiablé oú nous vivions, semaine de boulot, fin de semaine à la plage, amis, contacts, projets, personne ne pensait vraiment que cela pouvait finir.

Les Ivoiriens tiraient de la fierté du fait que la Côte d’Ivoire n’avait jamais connu de guerre civile, d’affrontement religieux ou de coup d’Etat. Regardez la Guinée de Sekou Touré, le Burkina de Sankara disaient-ils. Nous ici nous vivons en harmonie, le pays est stable depuis longtemps, c’est notre force.

Et pourtant ...


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J'ai beaucoup aimé, voilà un article comme ok à peu l'habitude d'en voir

Merci beaucoup pour ton commentaire @martin.rotter

Super témoignage historique.

Témoignage courageux qui dépeins la triste vérité de ces pays détenus par des monarques ! Upvoté à 100% !

Merci @francosteemvotes , triste réalité qui n'a pas beaucoup évoluée malgré l'imposition du multi partisme d'ailleurs.

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