Faut-il suivre ses passions ? C'est une question que beaucoup de gens se posent. C'est ce que se demandent les jeunes qui doivent choisir leur orientation pour leurs études supérieures, et c'est la question que s posent des gens qui hésitent à se reconvertir professionnellement.

Cal Newport, professeur à l'Université de Georgetown, s'est lui aussi posé cette question, et il a écrit un livre sur le sujet : "So Good They Can't Ignore You".

Pour écrire cet ouvrage, Cal Newport a rencontré pas mal de gens qui vivent de leur passion ou qui ont tenté de le faire. Dans le livre, on peut lire des exemples de gens qui ont réussi, et d'autres de gens qui se sont plantés.

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Règle n°1 : "Il faut suivre ses passions" : un mauvais conseil ?

Quand on parle de travail, il y a une hypothèse largement répandue selon laquelle il faut choisir ses études et son travail en fonction de sa passion.

Cal Newport a fait un constat très facilement vérifiable : les gens qui sont passionnés par leur boulot sont rares. Une étude menée sur plusieurs décennies semble même montrer qu'ils sont de plus en plus rares aux États-Unis. Au Canada, en 2002, un psychologue a demandé à des centaines d'étudiants quels étaient leurs passions. 84% des répondants ont été identifiés comme ayant une ou plusieurs passions. Lesquelles ? Les réponses qui revenaient le plus souvent étaient : la danse, le hockey sur glace, le ski, la lecture et la natation. Seules 4% des passions identifiées avaient un vrai rapport avec le travail ou les études !

Vivre de ses passions, ça nécessite de pouvoir gagner suffisamment d'argent pour pouvoir remplir son frigo, faire le plein de se voiture, payer un logement et payer ses factures. Tenter de vivre d'une passion n'est pas forcément une bonne idée, car cela ne rapporte pas assez. Pour pouvoir vivre décemment d'une passion, il faut être suffisamment bon pour se distinguer. Mais il faut aussi ne pas faire l'erreur que font beaucoup de gens, c'est-à-dire se lancer trop tôt, sans avoir les compétences nécessaires et des alternatives.

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Règle n°2 : Soyez suffisamment bons pour ne pas être ignorés

En étudiant divers cas dans différentes professions, Cal Newport a remarqué que souvent, les gens qui avaient réussi n'avaient pas réussi parce qu'ils étaient passionnés au départ ou parce qu'ils savaient directement ce qu'ils voulaient faire, mais parce qu'ils étaient bons dans ce qu'ils faisaient, suffisamment bons pour se distinguer.

Le fait de maîtriser des connaissances valorisables les a aidé à produire du bon travail. Leur travail de qualité leur a permis de se faire remarquer et de se distinguer de la masse. Le fait d'avoir des compétences poussées et chères et le fait de produire du travail de qualité, c'est ce que Cal Newport appelle le "capital carrière".

Les exemples étudiés dans le livre montre que les gens qui ont pris le temps de développer un capital carrière suffisant ont réussi plus facilement à évoluer professionnellement et à gagner en autonomie dans leur travail.

Dans le livre, on peut voir des exemples de gens qui avaient de bons jobs plutôt bien payés et qui ont tout plaqué pour tenter de vivre de leurs passions. On peut lire par exemple le cas d'une personne qui travaillait dans le secteur du marketing, et qui a décidé d'arrêter pour se lancer dans une carrière de prof de yoga. Mais elle n'avait pas une formation assez poussée en yoga, et son business n'était pas assez rentable. Elle n'avait pas le capital carrière quant elle a lancé son business, et ses leçons de yoga n'étaient pas assez attractifs, ce qui fait que les gens n'étaient pas assez nombreux à vouloir payer pour. La crise de 2008 est passée par là, et cette personne s'est retrouvée à dépendre des bons alimentaires pour pouvoir manger...

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Règle n°3 : Il faut parfois savoir refuser une promotion

Une fois que vous avez des compétences poussées, de préférence rares et chères sur le marché du travail, cela vous donne davantage d'opportunités d'emploi, de leviers de négociation et de possibilité de gagner en autonomie dans votre travail.

Si vos compétences sont poussées, rares et coûteuses, vous pouvez plus facilement négocier. Le livre cite par exemple le cas d'une programmeuse très douée. Elle a commencé d'abord par bosser au service qualité (en gros testeuse) dans une boîte de développement. Trouvant son travail ennuyeux et répétitif, elle a commencé à développer des méthodes et des scripts pour gagner du temps en automatisant une partie de ses tâches. Elle a donc gagné en productivité, et fait économiser beaucoup d'argent à son entreprise. Suite à cela, elle a été promue senior QA engineer. Consciente que son capital carrière avait augmenté, et voulant davantage d'autonomie, elle a pu négocier avec son employeur un emploi du temps avec 34 heures de travail par semaine pour pouvoir étudier la philosophie à l'Université Tufts de Boston. Conscient de l'importance des compétences de son employée, l'employeur a accepté. Si elle n'avait pas eu un capital carrière aussi important, son employeur aurait pu lui rire au nez, et même lui proposer un planning avec "0 heure de travail par semaine"...

Après avoir obtenu son diplôme en philosophie, la développeuse a bossé dans d'autres entreprises, avant de bosser en freelance. Grâce à ses compétences poussées et rares, et grâce au carnet d'adresse qu'elle s'était constituée au cours des années précédentes, elle n'a pas eu de mal à trouver des clients. Certains de ses clients lui ont proposé de l'engager, mais elle a refusé, car cela lui ferait perdre en autonomie. Si elle n'avait pas eu un capital carrière suffisant, elle n'aurait probablement pas été en position de négocier si facilement et d'avoir autant d'autonomie. Si elle a pu trouver des clients facilement, c'était d'une part parce que ses compétences étaient rares et chères, et d'autre part parce qu'elle avait déjà pas mal d'expérience.

Si votre employeur sait qu'il a intérêt à vous garder, il aura tout intérêt à vous proposer un meilleur salaire et/ou une meilleure position dans l'entreprise. Quand on leur offre un meilleur salaire, beaucoup de gens sont prêts à renoncer pour un moment à acquérir davantage d'autonomie et de contrôle dans leur travail.

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Règle n°4 : Pensez petit, agissez grand

Certaines des personnes qui réussisent bien dans leur carrière et qui deviennent passionnées se sont trouvées une sorte de mission. Pour d'autres, c'est le fait d'être bons et de se trouver une mission qui leur a permis de se trouver passion.

Dans cette partie, on peut voir le cas d'une chercheuse en biologie qui ne savait pas quoi faire au début de ses études, et qui hésitait grandement entre les mathématiques et la biologie, et qui s'est trouvé comme mission d'aider les pays africains en cherchant des solutions contre des maladies anciennes mais toujours présentes sur le continent...

En étudiant des sujets comme la génétique, elle a pu comprendre comment certaines maladies se répandaient, quels individus étaient les plus vulnérables, et lesquels étaient les plus résistants. Et peut-être que ses travaux pourront servir à développer des traitements à l'avenir...

Un autre exemple est celui d'un programmeur qui s'ennuyait dans les différentes entreprises où il travaillait. Son travail était répétitif et chiant, sa carrière ne progressait pas.

Un jour de 2008 où il s'est rendu compte que plein de gens s'intéressaient à ses travaux sur le langage de programmation Ruby. L'intérêt croissant pour ce langage et ses compétences dans ce domaine lui ont offert de nouvelles opportunités professionnelles, et la possibilité de prendre le contrôle de sa carrière, de faire des conférences, de trasmettre ses connaissances, et de les transposer dans le domaine du cinéma. Cela lui a permis d'apprécier enfin son boulot qu'il trouvait ennuyeux. Ce programmeur avait bâti un capital carrière solide, mais ne s'en est rendu compte qu'au bout de plusieurs années. Pour les programmeurs, bâtir un capital solide peut être une stratégie payante. C'est pour ça que beaucoup d'entreprises s'intéressent aux profils de gens ayant été très actifs dans le développement de logiciel open source... Publier des travaux de qualité sur des plateformes comme GitHub leur permet de mettre en avant leur capital carrière, et de bénéficier du feedback d'autres développeurs et utilisateurs...

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Mon avis sur ce livre

La lecture de ce livre nous enseigne qu'un conseil comme "il faut suivre ses passions" est un mauvais conseil. Vouloir directement trouver le bon job ou croire qu'on est faits pour une carrière dans tel ou tel métier, c'est souvent une erreur que font beaucoup de gens. N'ayant pas des compétences assez poussées et assez valorisables, ils se retrouvent en mauvaise position sur le marché du travail, et finissent par laisser tomber.

En montrant que le capital carrière est très important pour réussir et gagner en contrôle, ce livre nous montre très bien que les compétences et le travail bien fait sont une des clés pour réussir. Si ces compétences sont rares et recherchées, cela offre de bonnes opportunités d'avoir un meilleur salaire et/ou une bonne position dans une entreprise.

C'est en devenant bon dans un domaine qu'on peut produire du travail de qualité qu'on développer des opportunités. Beaucoup de gens se contentent d'atteindre un plateau et de rester au même niveau. Ce livre nous montre qu'il faut toujours chercher à progresser et à s'améliorer. Si l'on parle de marché du travail, ce n'est pas pour rien. Si vous voulez vivre de votre passion, ou simplement avoir un bon salaire et un bon poste, vous devez proposer quelque chose en échange. Et ce quelque chose, ce sont vos compétences et votre aptitude à produire du travail de qualité. Si vos compétences sont rares et recherchées, elles vaudront cher sur le marché du travail. Si vous voulez vivre de votre passion, ou simplement faire carrière en ayant une bonne position dans un domaine, il vous faut un capital carrière suffisamment solide, il vaut faut devenir trop bon pour pouvoir être ignoré !

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"So Good They Can't Ignore You" et "Deep Work", deux livres complémentaires

Avant de lire "So Good They Can't Ignore You", je m'étais intéressé à un autre livre de Cal Newport : "Deep Work", livre lui aussi consacré au thème du travail.

"So Good They Can't Ignore You" nous explique pourquoi il ne faut pas chercher à vivre directement de ses passions, mais pourquoi il vaut mieux miser davantage sur un capital carrière avant d'avoir davantage de valeur sur le marché du travail, et davantage de possibilités d'évolution vers un meilleur travail. En devenant bon (voire très bon) dans un domaine, on peut plus facilement évoluer professionnellement et gagner en autonomie, ce qui permet d'avoir davantage d'opportunités d'évolution vers un travail plus appréciable. (Ce livre montre très bien pourquoi les gens qui tentent de vivre directement de leurs passions ont tendance à se planter.)

Dans "Deep Work", Cal Newport nous explique pourquoi il faut privilégier le "travail profond" et pourquoi il faut éviter les distractions et minimaliser le "travail superficiel". Ce livre explique bien pourquoi les petites distractions et les tâches superficielles (comme répondre à des tas d'e-mails pros chaque jour ou comme la "nécessité" d'être trop facilement joignable) ont tendance à diminuer bien plus qu'on ne le croit le niveau de concentration de nombreux salariés sur les tâches importantes, et donc leur efficacité.

Ces deux livres me sembent tout à fait complémentaires. "So Good They Can't Ignore You" nous explique pourquoi il est primordial d'être bon dans quelque chose, et "Deep Work" nous explique comment travailler plus efficace pour produire du travail de meilleur qualité.

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"So Good They Can't Ignore You" est disponible en anglais chez Amazon.

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