Point d'inflexion #1 - La France se réindustrialise?
Une de mes lectures en classes préparatoires m’avait marquée. Il s’agissait d’un livre écrit par Marie-Paule Virard et Patrick Artus : la France sans ses usines. Plaidoyer pour la ré-industrialisation, ce livre dépeignait un morne tableau de l’industrie française.
La part de l’industrie dans le PIB français était passée de 24% à 14% pendant la décennie des années 2000. Les feuilletons autour des plans sociaux menés par PSA à Aulnay ou Arcelor-Mittal aux hauts fourneaux de Florange reflétaient cette désindustrialisation galopante. Les auteurs expliquaient celle-ci par des coûts de production plus attractifs à l’étranger, un tissu de PME fragile, une fiscalité trop élevée, des charges sociales trop importantes et un euro trop fort par rapport au dollar. Les raisons relevaient donc plus d'un problème de compétitivité que de productivité. Les difficultés industrielles étaient aussi le reflet de la divergence des stratégies et des choix de spécialisation.
Il semblerait que la donne soit en train de changer ! Selon l’Usine Nouvelle, l’industrie française recrée des sites sur tout le territoire. En 2017, 42 annonces de fermetures d’usines étaient prononcées contre 104 créations et extensions d’usines !
Source: INSEE, Usine Nouvelle
Tous les secteurs sont concernés mais certains plus que d’autres car disposant d’un dense tissu de PME comme c’est le cas pour l’industrie agroalimentaire.
Source: INSEE, Usine Nouvelle
Les indicateurs de l’activité tendent dans le bon sens. Au global les marges de l’industrie française ont augmenté de 5 points et tutoient les niveaux de 2007.
Source: INSEE, Usine Nouvelle
Il faut néanmoins tempérer cet enthousiasme dans le sens où les nouvelles usines créées sont généralement de plus petite taille et plus robotisées que par le passé. L’industrie aurait cessé de décliné plus parce que les délocalisations ont freiné. L’INSEE note tout de même que les goulots d’étranglement se sont accrus fortement depuis le début de l’année.
Et petite pointe d’optimisme à mon sens : deux principes régissant l’économie mondiale s’effritent :
1/ La globalisation est entrée dans un stade plus mature de développement. Les coûts salariaux des pays émergents se sont régulièrement accrus. On assiste à un ralentissement de l’expansion du commerce mondial. Si entre 1980 et 2008 la croissance en volume des containers surperformait la croissance mondiale de 2,5 fois, elle ne surperforme plus que de 1,2 fois post crise financière. Il me parait plus intéressant de voir la globalisation comme combinaison de plaques géographiques (je n’ai pas trouvé mieux) avec des centres de productions locaux (Mexique pour l’Amérique du Nord, Afrique du Nord et Europe de l’Est pour l’Europe de l’Ouest, Vietnam et Indonésie pour l’Asie). La France a plus intérêt économiquement à externaliser sa production dans des pays limitrophes ou produire soi-même. Les chiffres du e-commerce le prouve, la croissance des colis transfrontalier augmente beaucoup plus vite que la croissance des colis intercontinentaux.
2/ L’irruption du numérique/digital bouleverse le paradigme de la globalisation : souvent décrite comme la 4ème révolution industrielle (nous y reviendront dans de futurs articles), la digitalisation de la société et des entreprises fait augmenter la productivité, la polyvalence et la flexibilité du capital.
Ces deux constats accentuent le choix de réinternaliser la production (produire ailleurs coûte plus cher et sur le territoire national les gains de productivité nous fait produire moins cher)
6 technologies « disruptives » alimentent la digitalisation et la ré-industrialisation de notre économie :
- Les robots autonomes ;
- L’impression 3D pour le prototypage, les outillages de production et de découpe ;
- La réalité augmentée pour le design de pièces manufacturées, la maintenance prédictive, la logistique ;
- Le big data pour l’aide à la décision et le suivi des paramètres de production ;
- Le cloud et la cyber-sécurité qui permettent la manipulation de grandes quantités de données dans des systèmes ouverts ;
- L’internet des objets ou objets connectés.
Quand on a dit tout cela, la compétitivité hors prix devrait, selon moi, être plus déterminante qu’aux premières heures de la mondialisation. Je vois tout de même trois conditions à un retour en puissance de l’industrie en France : un écosystème de start-up focalisé industrie 4.0, une formation pour les opérateurs amenés à interagir avec les robots, un système social et fiscale amélioré (flexibilité du travail, fiscalité incitative envers l’investissement) pour rester dans la compétition mondiale et attirer les entreprises du numérique.
Sources:
https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-france-re-cree-des-usines.N629308
La France sans ses usines, Marie-Paule Virard & Patrick Artus, (2011), Ed. Fayard
Merci pour cet article de très bonne qualité et qui apporte des bonnes nouvelles 😃
Merci @kaliangel !