Une histoire de vie

Au sens le plus générique de l’expression, l’histoire de vie est une recherche et une production de sens relative à la vie d’une personne, vie considérée dans sa durée. Cette première définition a l’attrait de la simplicité mais, prise seulement ainsi, elle peut générer l’illusion de la facilité de mise en œuvre, ce qui appelle et nécessite une réflexion épistémologique et critique.
Un premier débat est terminologique : c’est celui entre « histoires de vie » et « récits de vie ». Le mot « histoire », étymologiquement, relève du grec historia, qui veut dire « recherche, information, exploration » (Dictionnaire Bailly). Parmi les premiers usages, la série de textes du fondateur de l’histoire commence par : « Hérodote donne ici l’exposé de sa recherche… ». Historiquement, l’origine du mot « histoire » renvoie donc à un processus et non pas à un produit fini : l’histoire de tel pays, de telle institution, de telle personne. Or, le sens s’est réifié. La question, dès lors, est de savoir si l’on accepte cette réification d’un terme qui désigne, dans ce cas, à la fois une « réalité historique » et la connaissance que l’on peut en avoir. Par ailleurs, le mot « récit » souligne la dimension interactive et processuelle face à une Histoire devenue réalité historique, sorte de reproduction, avec le minimum de déformation, d’un objet préconstruit dans le passé. Si, à l’opposé, l’on garde comme point de mire étymologique et définitionnel le sens originel du mot « histoire » comme recherche, c’est-à-dire comme processus, il convient dès lors de se méfier des réifications successives qui se situent hors ou au-dessus d’un processus de recherche et de production de sens : système d’interactions, époque, financement, intérêts idéologiques… Face au magma opaque que l’on nomme « le passé », la tendance est forte, alors, de constituer en objets de réalité établis des phénomènes qui méritent un travail de discernement, de discussion critique et problématique…