■ 002 - La Condition Numérique / Jean-Françis Fogel, Bruno Patino

in #bookfrenchlast year

La Condition Numérique

Jean-Françis Fogel, Bruno Patino
216 pages
3 Avril 2013


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Résumé :

Internet n’évolue pas selon le plan secret de quelques producteurs de technologie qui fixent son devenir. Des millions de personnes se sont saisis d’un média pour le transformer en un espace social. Il s’agit de bloguer, skyper, tweeter, poster, naviguer, envoyer et relever des sms et des mails, googleiser et, par-dessus tout, de ne pas perdre la connexion.
Une forme nouvelle de la condition humaine naît de cet accès permanent au réseau. Il n’y a plus de virtuel ou de réel. Tout est réel. L’expérience numérique est devenue une veille sans fin qui transforme tout. Les mass médias, les loisirs, le système de production, les rapports interpersonnels et même l’idée que nous nous faisons de la vie.


La condition humaine.
La connexion permanente

Il serait bon d'avoir un peu de modestie numérique. Malgré l'abondance des écrans qui nous entourent, malgré ces téléphones portables si souvent tenus en main, malgré les ordinateurs, les consoles, les télévisions, les tablettes et les liseuses, Homo sapiens n'est pas devenu Homo numericus. La parole, les gestes, les mimiques restent d'usage courant dans les échanges au sein des sociétés humaines. Nous ne vivons pas encore au sein d'une pure société de communication numérique et nous ne sommes pas non plus les expérimentateurs d'un nouvel âge de l'information. Mais nous sommes entrés, de plein gré, dans une époque neuve, et qui ne nous laisse aucun répit : le temps de la connexion permanente.

Toujours à portée d'un message ou d'un accès, nous nous trouvons à la fois en alerte et prêts à partir sur les réseaux numériques. Disponibles à toute heure. Notre vie change trop vite pour que l'on démêle ce qui appartient à la technologie de ce qui relève des comportements dans cette façon neuve d'être au monde. Mais chacun perçoit, à portée du doigt posé sur une souris ou un écran tactile, cette connexion qui perdure et façonne notre quotidien. La différence devient si ténue entre présent et futur qu'aucune machine ou logiciel ne résume notre condition. Toute innovation finit d'ailleurs par être dépassée ; le seul élément durable, c'est la connexion. Un login ajouté au mot de passe pour avoir accès à un réseau : voilà le léger bagage que chacun est sûr d'emmener demain avec soi.
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Internet n'évolue pas selon le plan secret de quelques éditeurs ou producteurs de technologie qui fixent son devenir. Sa transformation brutale résulte des nouveaux usages de millions de personnes que la généralisation de la connexion téléphonique 3G affranchit de toute obligation, y compris celle de se trouver face à un ordinateur sédentaire. Dans cette affaire, le changement dépend moins de l'apparition des technologies que de l'activité des internautes. Et cette activité installe un usage social frénétique des nouvelles offres numériques. Il s'agit d'un mouvement d'une ampleur historique, semblable à la migration de masse d'une population vers un nouveau continent, en l'occurrence le numérique. Sept ans après le lancement de YouTube, l'équivalent de trois jours de vidéos sont mises en ligne chaque minute sur la plate-forme. Six ans après le lancement de Twitter, trois cent quarante millions de tweets sont émis chaque jour, et plus de neuf cents millions de personnes possèdent un compte sur Facebook. Cinq ans après l'annonce de la création des applications (le premier magasin viendra en fait près d'un an plus tard), plus de soixante-cinq milliards sont en circulation sur des téléphones et des tablettes.

Il n'est définitivement plus possible de considérer Internet comme un média ; il se trouve même à l'exact antipode de ce qui caractérisait les médias, la diffusion d'un contenu à partir d'une source unique : atelier d'impression, émetteur de radio ou de télévision. Sur Internet, tout récepteur est un diffuseur potentiel et le devient aisément grâce aux réseaux sociaux où les actions massives de partages, de recommandations l'emportent - et de loin - sur les échanges traditionnels de messages entre deux personnes. Quand on a des milliers ou même seulement des centaines d'amis sur un réseau social, on ne parle pas à chacun d'eux, on se connecte. Et l'objet de la connexion c'est d'abord de se connecter à d'autres internautes et non les publications de quelques médias, entreprises ou institutions.

La viralité sociale, visant à faire circuler des contenus - texte, image, vidéo, son, application, etc. - à la façon dont un virus contamine une population, est la dynamique d'Internet. Le mouvement est une forme qui l'emporte sur le fond. On pense à la confidence du peintre Henri Matisse, "je ne peins pas les choses ; je ne peins que leurs rapports", en voyant que l'essentiel de l'activité n'est pas tant de produire des contenus que d'amener des amis ou l'audience vers ces mêmes contenus en réponse à un message.

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